mercredi 23 novembre 2016

Tente-distille



Tente-distille
  Les premières versions de ce logement portable du désert furet développées par les nomades zensunni envoyés sur Ishia (seconde planète de Tygri Beta) en 5295. Bien que l’environnement d’Ishia fut beaucoup plus doux pour l’homme que celui auquel étaient habitués les nomades – celui de Salusa Secundus, où leur peuple fut maintenu en esclavage durant neuf générations – il était chaud, aride et impitoyable. L’eau, dans ce désert écologique, était une denrée précieuse et ne pouvait être gaspillée ; les tentes-distille étaient destinées à réduire ces déchets.
  Les premières unités étaient brutes et servirent les desseins des zensunni d’Ishia. Une couche externe de chromoplastique devenait d’un blanc réfléchissant pendant les heures d’ensoleillement, puis revenait à une transparence normale pendant la nuit. L’eau qui précipitait sur la surface refroidie coulait dans de minces conduits intégrés dans les bords inférieurs de la tente et était aspirée dans les poches de récupération situées dans les coins. Le processus se répétait dans une moindre mesure sur la doublure intérieure : la chute de la température était insuffisante pour avoir un pourcentage important de l’humidité perdue par la respiration de l’habitant à l’intérieur de l’air chauffé. Une petite récupération était pratiquée par la tente, qui servait aussi à traiter les urines, mais les déchets solides servaient, le plus souvent, d’engrais.
  Une fois que les zensunni – appelés fremen – furent transférés sur Arrakis en 7193, ils réalisèrent que la conception ishienne était primitive et inefficace. Le premier changement fut de taille. Sur Ishia les tentes-distille étaient le plus souvent utilisées comme des maisons semi-permanentes, et elles étaient construites pour permettre de se tenir debout, de marcher et de stocker. La tente-distille arrakeen, en revanche, n’était destinée qu’à servir de refuge temporaire aux fremen qui quittaient la sécurité de leur sietch. Elles étaient volontairement petites, assez pour fournir suffisamment de place pour s’assoir confortablement, s’étendre et dormir, et stocker de petites quantités d’eau, des kits de réparation de distille, et d’autres éléments vitaux pour la survie dans le désert.
  La forme de la tente changeait selon la taille. Plutôt que de les monter sur un pic central, les nouvelles tentes-distille étaient fabriquées avec un toit incurvé ; vu de l’extrémité, la tente ressemblait à un cylindre dont la partie inférieure était aplatie à l’endroit où elle touchait le sol.
  Autre chose changea, la porte-rabat extérieure utilisée dans le modèle ishien : un sceau-sphincter en plastique transparent l’avait remplacé, permettant à ceux qui étaient à l’intérieur de voir à l’extérieur, tout en préservant l’intégrité de la tente-distille. Les volets intérieurs pouvaient servir à bloquer le sceau et occulter la lumière indésirable.
  Les changements les plus frappants cependant, impliquaient la capacité de la tente-distille à conserver l’humidité. Le tissu qui constituait la majeure partie de la tente était le même que celui mis au point pour les distilles fremen, ces vêtements qui étaient capables de contenir la perte d’humidité de leur porteur à pas plus d’un dé à coudre par jour. Si l’on coupait un échantillon de ce tissu, on verrait de nombreuses micro-constructions visant à garder l’eau arrachée, si précieuse dans l’environnement arrakeen. La couche destinée à l’intérieur de la tente (ou, dans le distille, celle près de la peau) était poreuse et permettait à la transpiration et à l’humidité expirée, d’avoir un passage libre. Les deux couches suivantes contenaient des filaments d’échange de chaleur, si efficaces, qu’une tente-distille en bon état pouvait être en moyenne dix degrés plus froide que la température extérieure et les précipitateurs de sel gardaient un niveau physiologique de l’eau recyclée bien en dessous de 150 parts par million. La quatrième couche piégeait l’eau obtenue par la pression osmotique et la canalisait dans les tubes des poches de récupération ; cette couche, la tuyauterie et les poches de récupération elles-mêmes étaient fabriqués en matière plastique dont la finesse arrivait à des ajustements de niveau moléculaire où l’eau ne pouvait pas adhérer. La couche finale, la plus externe, permettait le passage de la chaleur (un aller simple) et de la plupart des gaz, mais était complètement imperméable à l’eau.
  Il convient de noter que ce tissu, aussi magnifiquement conçut, ne pouvait pas fonctionner aussi efficacement si c’était une tente que lorsque c’était un distille. Une tente-distille protégeait ses utilisateurs contre la perte d’humidité de leur corps lors de la respiration, ainsi que celle qui s’échappait de leurs mains, des visages et autres surfaces corporelles découvertes. Elle n’était pas fabriquée pour traiter les déchets ou pour la récupération totale de la transpiration d’un corps, et ceux à l’intérieur étaient donc contraints de rester dans leur distille. En dépit de ce léger inconvénient, une tente-distille fremen était encore le refuge le plus sûr pour ceux qui étaient contraints de rester dans le désert ; les copies produites dans les usines de village étaient très inférieures. De ce fait, les tentes-distille étaient d’authentiques et précieux articles commerciaux, et leur vente à des étrangers fournissaient de confortables revenus pour bon nombre de sietchs. Il y avait un groupe, cependant, à qui les tribus indépendantes refusaient farouchement d’offrir leurs tentes-distille : les oppresseurs Harkonnen.
  Les Harkonnen reconnaissaient l’excellence des produits fremen, autant qu’ils méprisaient et persécutaient leurs fabriquants. En 10185, un raid simultané sur trois sietchs du nord (Tuono, Remmel et Ammit), fut commandé par Glossu Rabban. Les habitants semblaient avoir fui avec une hâte inhabituelle, laissant derrière eux la plupart des produits de leurs usines. Les troupes emportèrent tout ce qu’ils trouvèrent, y compris un grand nombre de tentes-distille. Ce qui sembla d’une agréable ironie au gouverneur planétaire, fut que les distilles récupérés furent donnés à un autre groupe de soldats envoyé pour rassembler des personnes que Rabban appelait « l’écume du désert ». Ce ne fut que lorsque les troupes ne revinrent pas, qu’elles furent recherchées et qu’il fut constaté que les tentes-distille avaient été exposée à des variations de megara. Une fois qu’elles furent scellées au loin, avec les soldats à l’intérieur, elles commencèrent à accumuler la chaleur : les filaments qui devaient normalement conduire la chaleur vers l’extérieur de la zone, l’attirèrent dans la tente, si bien que la température était plus haute qu’à l’extérieur. La hausse déclencha un changement dans le sceau-sphincter qui était fabriqué, dans ces tentes, à partir d’un plastique qui était d’abord fondu, puis durci par la chaleur ; au moment où l’intérieur était devenu trop chaud, la porte fut fermée et impossible à ouvrir.
  La couche de tissu qui était censée transporter l’eau récupérée, fut ainsi changée et les troupes paniquèrent quand ils comprirent que leur chemin était coupé par de la shigavrille étroitement tissée, imperméable à toute lame des Harkonnen, avait été remplacée par du plastique ultra lisse.
  Ceux qui tentèrent de sortir grâce à leurs fusils laser, ne furent récompensés que par une mort plus rapide quand la doublure en plastique réfléchit l’énergie à l’intérieur, convertissant plus de 80% de la puissance du fusil en chaleur ; les autres se retrouvèrent contraints à cuire lentement ou à se suicider.
  Lorsque les tentes furent ouvertes par le groupe de recherche – ils les découpèrent assez facilement avec le faisceau d’un fusil laser depuis l’extérieur – un rapport fut envoyé, de ce qui avait été trouvé à l’intérieur, au Comte Rabban, et les résultats étaient prévisibles. Un pogrom (en grande partie inutile, car les tribus s’y attendaient et étaient entrées dans la clandestinité) fut lancé contre les fremen, et les troupes Harkonnen reçurent l’ordre de détruire tous les produits des sietchs qu’ils découvriraient, plutôt que de les utiliser.
  La réaction des fremen au succès du piège fut tout aussi prévisible. Une expression qui remonte à cette période l’illustre bien : « trois choses que nous savons inutiles – du sable à un homme assoiffé, de l’eau à shai-hulud et des tentes-distille au Mudir Naya ». (Mudir Naya, nom donné à Rabban par les fremen, traduit par « le gouverneur des démons »).

  Jusqu’à l’arrivée des Atréides, on ne trouve aucune trace de personne liée à la Maison régnante sur Arrakis, qui ait tenté d’utiliser une tente-distille fremen. C.W.

Autres références :
-          Arrakis ;
-          Fremen ;
-          Rabban, Comte Glossu ;
-          Distille ;
-          Anon.Kitab al-Ibar : manuel du désert, Rakis ref. cat. 1-Z288.

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