Atréides-Harkonnen,
Jessica
Mère de Paul Atréides et grand-mère de Leto II et Ghanima, Dame Jessica
fut la femme la plus importante dans la longue histoire de Dune.
Une des découvertes les plus fascinantes de Rakis après le Magot CRR-13
A700, fut Le Livre de Ghanima. Parmi les
documents les plus révélateurs se trouve une étude des racines de son propre
nom. Intriguée par la racine "anima" de son nom, elle entreprit une
exploration systématique de ses mémoires ancestrales pour découvrir tout ce qui
avait été dit de l‘ "anima".
Ainsi, elle apprit qu'un lointain ancêtre Terrien, peut-être nommé
Seegee Jhung, avait esquissé une théorie qui explique son nom. En application
de la matière dans les dossiers de Ghanima, il apparaît maintenant que Dame
Jessica, la grand-mère de Ghanima, peut être mieux comprise comme étant
l'accomplissement des archétypes prophétisés par son ancêtre voyant. Dans la
perspective de Jhung, Jessica - dans son propre droit, comme dans sa propre
personne – est l'incarnation longuement attendue de tous les grands archétypes
masculins et féminins. Ainsi, plus encore que la célèbre Jehanne Butler à juste
titre, elle est Dune, à dire vrai l'Imperium de, vrai héros ainsi que sa plus
grande femme.
L'ancien devin envisagea quatre archétypes féminins: la Mère-épouse, la
Hétaire, l’Amazone, et la Médiale. La lignée et l’éducation Bene Gesserit de
Jessica faisait d’elle la mère-épouse, en fait, comme elle s’en plaignait
parfois, elle grandit pour être une simple poulinière, un instrument de
l'eugénisme Bene Gesserit, plutôt qu'une personne. Elle-même était le produit
d'un exercice eugénique, l'accouplement d'une nuit entre une Gesserit Bene (qui
fut certainement Helen Mohiam) et le Siridar-Baron Vladimir Harkonnen ;
Jessica grandit sur Wallach IX, la planète Bene Gesserit, où elle suivit
quatorze années d'enseignement dans un style « maternel ». Pour la
Communauté des Sœurs, la biologie et l'influence maternelle étaient les forces
les plus importantes de toutes les forces vitales. Suivant ces principes,
Jessica fut soigneusement formée pour la maternité : elle apprit à comprendre
et à contrôler son propre organisme de manière à être la mère biologique plus
forte possible, et - encore plus essentiel à la conception Bene Gesserit - elle
apprit à observer, comprendre, et aussi à contrôler les autres et par ce moyen
à garder tout le monde, hommes, femmes, princes et potentats, sous son emprise,
tels des enfants sous la domination de leur mère.
Jessica déconcerta ses professeurs en dépassant leur concept de la maternité.
Le Bene Gesserit estima qu’elle s’était rebellée de manière scandaleuse contre
la discipline attentionnée des sœurs, mais en réalité Jessica ne s'était pas
révoltée, elle s’était développée dans une autre dimension d'individualité,
celui de Hétaire. Parce qu'elle était devenue une véritable compagne de
son duc Leto Atréides, elle se libéra
complètement pour devenir une mère plus parfaite que ce que le Bene Gesserit
avait projeté ; la hétaire Jessica choisit de porter le fils que désirait
son amant, pas la fille prévue par la Communauté des Sœurs ; par sa forme
hétaire, Jessica savait que l’amour réciproque, libre, était la seule vraie
force créatrice dans l'univers. Le rôle d’hétaire de Jessica fut souligné par
le fait que le Duc Leto l'avait faite sa concubine, mais jamais sa femme. Peu
de sanctions sociales auraient pu supporter la vitalité de cet archétype en
elle.
Dame Jessica resta Hetaire toute sa vie d'adulte. Elle ne cessa jamais
d'aimer son duc, pas même des décennies après sa mort, et elle retourna sur la
planète natale des Atréides, Caladan, dès qu'elle le pu. Plus important encore,
elle inculqua la nécessité d'être Hetaire à tous ses descendants : à Paul
Atréides, qui accueillit Chani comme sa "compagne", en Leto II et Ghanima,
les jumeaux Hétaires l’n pour l'autre ; et plus particulièrement et
tragiquement en Alia, dont la nature Hétaire la trahira par l’union
intra-personnelle et séduisante du baron Harkonnen.
Ironiquement, c’est en luttant contre cette union Abominable que Jessica
révéla toute sa force d’amazone. Dame Jessica découvrit d’abord son potentiel
d’amazone quand elle avait fui, enceinte, dans le désert Arrakeen. Les femmes
Fremen, soigneusement libérées dans le monde des hommes, montrèrent à Jessica
qu’elle aussi, pourrait survivre aux rigueurs de Dune. Comme Amazone, elle
maîtrisa aussi bien les sables changeants des déserts de dunes que les marées
mouvantes de la politique impériale. Comme Amazone, elle se retira au Castel
Caladan pendant le règne de son fils, et là, dans cet environnement familier,
utilisa l'objectivité de ses ressources d’Amazone pour augmenter son
conditionnement Bene Gesserit.
La profondeur et l'étendue de ses pouvoirs d’amazone furent
particulièrement évidents au cours des années de trouble qui suivirent la
disparition de Muad'Dib dans le désert et l’accession de Leto II au trône
impérial : jessica traversa cette période en prouvant ses talents de formidable
diplomate, d’intrigante, et (surtout psychologiquement) de guerrière, pour
lutter efficacement contre les complots de sa propre fille contre les idéaux
Atréides.
Alia n’aurait pas sombré dans l’Abomination, Paul ne serait pas devenu
Muad’Dib puis le Prêcheur, si leur mère n’avait pas totalement embrassé
l’archétype de la Médiale. Comme Médiale, Jessica rapprocha le monde
inconscient et la communauté humaine, reliant ces deux entités très vastes
grâce à sa propre conscience parfaitement équilibrée et à l’écoute. Dame
Jessica devint une Médiale (un médiateur), car les fremen, qui cherchaient une
nouvelle Révérende Mère, l’avaient envoyée vers la transe d’épice périlleuse,
le mélange catalysa son évolution, mais la psyché de Jessica, déjà transformée,
stabilisa le phénomène avant de le renforcer : l’Hétaire insuffla sa
sagesse Médiale avec un soin personnel, tandis que l’Amazone, elle, préserve
son indépendance individuelle face aux attaques de la collectivité inconsciente
présente en elle. Au contraire, Jessica la Médiale entretenait une perspective
sainement cosmique sur ses engagements aussi bien personnels que sociaux. Elle
fut épargnée de l’égotisme destructeur, qui détruisit ses enfants, grâce à son
pouvoir de Médiale.
D’autre part, les expériences Médiales de Jessica pénètrent son
psychisme très profondément – et atteignit le centre du véritable archétype de
la maternité, que le Bene Gesserit avait presque convaincu Jessica qu’il ne
pouvait pas exister. Même après qu’elle eut compris son cheminement, aux vues
d’autres déclarations de la Communauté des Sœurs, elle continua à croire au
dogme Bene Gesserit selon lequel les archétypes étaient des illusions de
relations publiques dont la seule utilisation était de manipuler les crédules.
Le scepticisme résiduel de Jessica fut sérieusement affaibli lorsqu’elle, la
Médiale, rencontra en elle-même la Grande Mère ; ses doutes s’estompèrent
lorsque la Mère-épouse, concentrée sur sa nouvelle conscience, sentit la Grande
Mère comme une présence extérieure ainsi – elle sentit les grandes forces
créatrices essentielles, que cherchait Liet-Kynes, ses disciples fremen, et
surtout son petit-fils, l’Empereur-Dieu, si passionnément recherchées. La Mère
Jessica réalisa que les humains (pour ne pas mentionner les vers) ne produisent
ni ne contrôlent la création dans aucune des manifestations. Elle comprit que
toutes les formes de vie et tous les processus de vie – y compris ses propres
rôles comme amantes, meneuse ou mère – sont vraiment des canaux pour les
énergies créatives et le maintien de la Grande Mère. Ce fut l’enseignement
auquel elle consacra sa vie d’adulte.
A notre époque, où la culture Arrakeen est imprégnée de l’esprit
maternel, on ne peut guère croire, et beaucoup moins comprendre, la résistance
de Mère Jessica face à ses contemporains. Dans ces temps désolés, le patriarcat
continuait de régler l’Imperium, mais seulement comme une confrérie avilie d’un
pragmatisme brutal (exprimée par les Harkonnen et les sardaukar) et d’une
rationalité mécanique (l’esprit des mentats et du Tleilax). La plupart des gens
alors, conservaient la croyance traditionnelle que l’intelligence, la puissance
et l'ordre - en fait, la civilisation elle-même - étaient des biens
essentiellement masculins ; mais ils savaient aussi que même le meilleur, le
plus dynamique des archétypes virils était quelque peu insuffisant, pour Duc
Leto Atréides, qui incarnait parfaitement toute la virilité par excellence, il
mourut vaincu. Ainsi, Jessica vécut à l'époque où la masculinité perdait son
emprise exclusive sur le psychisme des personnes et où la conscience féminine
commençait tout juste à entrer à germer.
Compte tenu de son investissement à long terme dans le machisme,
l'esprit populaire hésita à reconnaître l'importance de l'être féminin. Des
aperçus partiels étaient plus faciles : les femmes étaient tolérées en tant que
Hétaires (comme en témoigne Gamont), ou (plus difficilement) comme Amazones
(comme en témoignent les Truitesses), ou (plus difficile encore) comme Médiales
(comme les Révérends mères Fremen). La maternité, dans sa forme archétypale la
plus pure, était tout simplement impensable. Les raisons de ces blocages
psychologiques furent bien expliquées : la pensée masculine est ésotérique,
tournée vers la découverte et le travail avec les faits, surtout ceux du monde
physique extérieur. En revanche, la conscience féminine est ésotérique, tournée
vers l'intérieur; elle œuvre dans l'intériorité de la réalité. La rencontre de
la Grande Mère, comme Jessica l’a fait, signifie se rendre compte que
l’intérieur forme et soutient l’extérieur – que l’univers physique a un noyau
spirituel. Une telle réalisation est inévitablement bouleversante pour les
perspectives ésotériques : du point de vue virils, la seule Mère est la
Terrible Mère.
Les enfants et petits-enfants de Jessica furent encore les plus
pitoyables victimes de ses penchants anti-maternels les plus vivaces. Paul, le
premier homme moderne à libérer son intelligence féminine, s’emprisonna
lui-même avec les fremen dans la masculinité stéréotypée de Muad'Dib et
finalement il préféra devenir aveugle plutôt que d'affronter la maternité
ultime qu'il craignait. Alia rejeta la maternité parce qu'elle l’identifiait à
l'invasion de Jessica dans son esprit pré-né età l’éveil de sa conscience
médiale qui fit d’elle une Abomination ; elle utilisa ses énergies
d’Hétaire pour échapper à la maternité et ses énergies d’Amazone pour la
combattre. Leto II fut à l'aise avec sa forme Hétaire, Amazone, Médiale, et
Mère-épouse en lui-même, mais était sûr que la Terrible Mère régissait tous les
événements naturels; il sacrifia son humanité pour gagner du temps face au
monstre qu’il imaginait voir en Mère Nature. Ghanima s’accorda avec ses aïeules
Bene Gesserit sur le fait que « maternité » était préférable à « Maternité »;
pour préserver son sens de l'identité personnelle elle avait besoin de
contrôler, et même de diminuer l'archétype, en le visualisant en termes
personnels plus sécurisant.
Pour Jessica, cependant, la maternité ne pouvait pas être éludée,
rejeté, déformé ou diminué, car pour elle la Grande Mère était un attrait
irrésistible. Sa vie entière était une quête de la Mère. Ce fut une épreuve
longue et difficile, nécessitant une grande croissance personnelle, un
équilibre psychologique constant et un inlassable courage, de la vigueur et de
la détermination. Elle dû à la fois devenir Mère et être Mère à un moment où ni
l’un ni l’autre n’avaient été fait avant et parmi un peuple où « Mère »
signifiait « sorcière ».
Aussi importante que fut cette quête pour Jessica, elle était absolument
vitale pour Dune. Jessica arriva sur Arrakis précisément au moment où la
croyance de l'écart sujet-objet menaçait de dévaster cette planète avec un
avantage numérique. Liet Kynes et les Fremen savaient intuitivement qu'il
fallait une relation consciente plus équilibrée entre les humains et la nature,
et que la meilleure façon de parvenir à cette relation était la compréhension
de la force vitale qui lie le « subjective » et l’« objective » en un seul
continuum. Mais, à ces visions écologiques manquaient l'expérience archétypale
pour atteindre leur but. Ce fut Jessica qui réalisa cette quête et, ce faisant,
montra aux autres comment ils pourraient trouver en eux-mêmes la Grande Mère.
Jessica et plus tard, à travers son école, de plus en plus de ses
disciples devinrent Initiés. Chaque initié subissait une aliénation atroce de
son état d'esprit d'origine, transformait sa pensée par sa conscience directe
et prolongée de la Grande Mère, et travaillait à remodeler chaque élément de la
culture Arrakeen en accord avec les valeurs et les vues maternelle. Jessica, la
première de ces initiés, sacrifia beaucoup plus que ses successeurs. Elle
supporta l'aliénation de ses sœurs, de ses enfants et de ses petits-enfants, la
plupart des membres de la Maison Atréides, et tous les gens du commun de Dune.
Elle refusa de jouer la "mère" à la manière Bene Gesserit en
enfermant les autres dans une enfance psychologique, mais au lieu de cela, elle
laissa les gens se faire leur propre opinion sur la réalité archétypale qu'elle
incarnait ; et ainsi elle sacrifia la satisfaction de savoir si sa
transformation avait vraiment bénéficié à quelqu’un d’autre qu’à elle-même.
Les sacrifices de Jessica furent authentiques et (à la différence de
Leto II) nécessaires, puisque comme elle
le savait bien, la Maternité Archétype était vouée à démasquer la pensée
profonde, ce que la plupart aurait voulu posséder.
Il y a, cependant, une profonde et horrible ironie dans le fait
lamentable que si Jessica vivait les Archétypes de Quête, d’Initiation, et
l'héroïsme sacrificiel (les archétypes masculins majeurs) et incarnait
simultanément les quatre archétypes féminins majeurs ses contemporains
l’insultèrent ou l’ignorèrent et mirent tous leurs espoirs dans les carrières
de ses enfants et petits-enfants. Même les historiens de Dune furent
scandaleusement lents à reconnaître que la véritable histoire de Dune est celle
de Jessica.
Autres références :
-
Atréides,
Ghanima ;
-
Atréides,
Duc Leto ;
-
Atréides,
Leto II ;
-
Atréides,
Paul Muad'Dib ;
-
Mohiam, R.M. Gaius
Helen ;
-
Harq
al-Ada La Mère de Dieu, tr. Harq
al-Lutag Atréides (Grumman: Sterne) ;
-
Ghanima,
Elaine, et Leto Atréides II, Le Livre de
Ghanima, la CRR-13 A700.
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