Shai-Hulud,
en tant que Léviathan
Parce
que la Bible catholique d'Orange
n'a pas commandé l'autorité universelle attendue, la plupart des sectes
commencèrent immédiatement à faire circuler des versions révisées et
compilèrent des éditions spéciales en fonction des conditions planétaires
locales. Comme l'autorité de la Bible
Catholique Orange avait grandi, les révisionnistes distribuèrent leurs
matériaux spéciaux et hérétiques clandestinement ou, par d’habiles traduction
et paraphrases, communiquèrent secrètement certaines de leurs convictions les
plus privées sous couvert d'un texte officiel révisé. Quelque chose de ce
dernier effet est observable dans le très connu « Hymne à Shai-Hulud ». Cet hymne avait été mis
massivement en circulation dans les villes d’Arrakis, mais on soupçonnait qu’il
avait un usage cérémonial secret dans les sietchs Fremen. Le nom même de
« Shai-Hulud » peut être utilisé dans trois significations : Shai-hulud,
sous cette forme, il désigne le ver personnifié ; sous la forme
« shai-hulud » (sans majuscules) il désigne le ver des sables comme
une simple créature ; enfin, Shai-Hulud avec des majuscules, il désigne le
Dieu tribal fremen. Sous le régime Harkonnen et plus tôt, alors qu'ils ne savaient
pas que les Fremen pouvait monter les grands vers des sables ou que leurs vies
étaient étroitement liées à la production de mélange et de l'eau de vie
utilisée dans les orgies d'épices, une grande partie de l'Hymne signifiait des choses différentes pour le public et
pour les Fremen. Maintenant, il est facile de voir dans le neuvième verset un
ricanement méprisant dirigé contre ceux qui ne comprennent pas la valeur réelle
de l'humidité du corps.
On
soupçonne que l'identification de Shai-Hulud avec le Léviathan, fut qu’à
l’origine c’était une espèce de monstre aquatique qui n’était pas unique. Des
développements similaires eurent lieu sur d'autres planètes, comme on peut l’observer
dans le « Discours à la baleine à
fourrure » sombrement humoristique de Giedi Prime, ou la sinistre
« Invocation à Hawt le
monstre-poisson » de la vague planète océan (Humidis). Les trois
chants (et d'autres comme eux) proviennent plus ou moins étroitement des
chapitres de l'ancien Livre de Job,
l'un des survivants les plus persistants de la mosaïque de la tradition, bien
qu'il serait difficile en effet désormais aux chercheurs de travailler sur les
superpositions des révisions des éditions et paraphrases locales du texte
original (dans la Bible Catholique
Orange, la description du Léviathan se trouve dans Job XIV). Il est, cependant, évident que des parties de
« l’Hymne à Shai-Hulud »
incorporent des fragments d'une description d'une autre bête (ou d'autres bêtes,
peut-être un polype géant, dont l'ancienne forme du nom est apparemment pluriel),
que le monstre dans Job.
Hymne à Shai-Hulud
1 - Peux-tu tirer sur le
Léviathan avec un hameçon, ou l'aveugler avec un brouillard ?
2 - Peux-tu l’attraper
par les cornes au lasso, ou veux-tu plutôt le harponner ?
3 - Pourrait-il ramper
vers toi en supplication ? Est-ce qu’il te dit des mots doux à toi ?
4 - Te laissera-il
monter sur son dos ; veux-tu le prendre pour ton porteur pour
toujours ?
5 - Veux-tu jouer avec
lui comme avec une truite des sables ou veux-tu lui présenter tes
servantes ?
6 - Doit-il se joindre
à vous lors des orgies ; ou veux-tu l’enfermer dans une citerne ?
7 - Peux-tu remplir sa
peau de fer barbelé ? Ou mettre tes harpons derrière sa tête ?
8 - Danse vers lui sur
les sables tambour, pour devenir sa compagne.
9 - Contemple l’espoir
de l’étranger : peut-on perdre son eau même à sa vue ?
10 - Personne n’est
assez féroce pour oser le provoquer ; qui agitera un chiffon devant son
visage ?
11 - Qui d’autre m’a
inspiré, que je doive le rembourser ? A cause de lui, le suis le plus
grand sous tous les cieux.
12 - Je ne dissimulerai
pas sa longueur, ni son pouvoir, ni sa grande beauté.
13 - Qui peut découvrir
ses trésors enfouis ? Tous sont cachés ensemble dans la poussière.
14 - Qui ose passer les
portes de son visage ? Ses dents autour sont terribles.
15 - Ses anneaux sont
sa fierté, enfermés ensemble comme par un sceau.
16 - Si près les uns
des autres que la poussière ne peut s’insérer entre eux.
17 - Ses écailles sont
jointes les unes aux autres, elles se collent ensemble, elles ne peuvent être
écartées.
18 - Par ses
éternuements la lumière est éclatante ; de son ventre vient le feu de
Dieu.
19 - De sa bouche vient
l’haleine de cannelle, qui explose à tes narines.
20 - Une lampe brûlante
rougeoie dans sa bouche ; des étincelles de cristal bondissent dedans.
21 - Le feu brûle sur
son passage, et un four s’enflamme de sa queue.
22 - Il déplace sa
queue comme un tourbillon ; le chagrin est englouti dans le tourbillon de
sa joie.
23 - Chaque segment
d'anneau a une vie propre ; ses anneaux sont fermés sur eux-mêmes ; ils ne
peuvent pas être déplacés.
24 - Ne le laisse pas
rouler sur toi ; tu serais broyé comme un grain dans une meule.
25 - Quand il se lève
sur lui-même, les plus vaillants ont peur ; la pression due à sa vitesse
provoque le bakka en eux.
26 - L’épée de celui
qui le frappera se détournera de lui : la pointe du couteau glissera,
comme le kindjal.
27 - Il prend en
considération les boucliers comme les marteleurs ; oui, les
pseudo-boucliers comme des mouches piumes.
28 - Le fusil laser ne
peut l’effleurer ; il change les assommoirs en chaume.
29 - Le vent qui ronge
la chair ne peut lui faire de mal ; il rit dans la tempête coriolis.
30 - Les très hautes
montagnes le dépassent ; il étend les rivières de sable autour de lui.
31 - Il fait bouillir
le bac à sable comme un pot ; son sifflement rempli le matin.
32 - Il trace son
chemin dans le désert profond ; son passage purifie le monde.
33 - Sur Dune il n’a
pas son pareil, car il donne l’Eau de la Vie.
34 - Il est le Maître
des voies de Dieu, il est Shai-Hulud, le Vieux Père Eternité
Remarque :
La
transcription de « l’Hymne à
Shai-Hulud » laisse les croyances communes universelles inexpliquées
(si rarement exprimées) et le culte de Shai-Hulud était presque le même que
l'adoration de Shaitan. Les Fremen étaient-ils complètement aveugle à la vraie
nature de leur religion ? Tel était le cas, semble-t-il, pour la bonne
raison que lorsque les fremen s’étaient établis sur Arrakis, ils considérèrent
le ver des sables géant dans la même lumière que le reste du monde, comme une
force du mal absolu de la nature, qui rendait de vastes étendues de la planète
inhabitables. Le nom lui-même, Shai-Hulud, prouvait par sa dérivation ses
associations maléfiques. Car si une dérivation acceptée le vieux Fremen
shaikh-al-Hud, "vieux grand-père Hud" (cf. Bible Catholique Orange, surate
VII), une autre dérivation proposait plutôt le terme Shai (tan)-hulul,
« diable-in-transmigration » ou « shaitan incarné ».
Houloul est un terme Fremen utilisé dans la cérémonie d'orgie de sietch pour signaler
le mélange de l'homme avec l'esprit divin censé se produire après avoir bu
l'eau de la vie. On croit revenir à une idée Sunsufi, telle qu'elle est
exprimée dans Kalima 57 dans
la Bible Catholique Orange,
qui dit : « Ton Esprit est mêlé dans mon esprit comme le vin est mélangé à
l'eau pure. Quand quelque chose te touche, il me touche. Et dans tous les cas
tu es moi. » (Pour en savoir plus sur ce point, voir le Livre d’Azhar). Dans les premiers
jours de l'association de Muad'Dib avec les Fremen, l'attitude Fremen se
caractérisait par leur révérence envers le ver des sables, peut être mesuré
pour Stilgar, dont la dépendance adoratrice envers Shai-Hulud était claire et
habituelle. L'attitude des villes sur Arrakis était plus effroyablement
superstitieuse et l'association du ver des sables avec Shaitan dans le Tarot de
Dune était typique des croyances hors-Freyn. M.T.
Autres références :
-
Bible
catholique orange ;
-
Pyer
Breezair, ed, Summa de la croyance
ancienne et la pratique (Bolchef: Collegium Tarno).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire