samedi 12 novembre 2016

Shai-Hulud, en tant que Léviathan



Shai-Hulud, en tant que Léviathan
  Parce que la Bible catholique d'Orange n'a pas commandé l'autorité universelle attendue, la plupart des sectes commencèrent immédiatement à faire circuler des versions révisées et compilèrent des éditions spéciales en fonction des conditions planétaires locales. Comme l'autorité de la Bible Catholique Orange avait grandi, les révisionnistes distribuèrent leurs matériaux spéciaux et hérétiques clandestinement ou, par d’habiles traduction et paraphrases, communiquèrent secrètement certaines de leurs convictions les plus privées sous couvert d'un texte officiel révisé. Quelque chose de ce dernier effet est observable dans le très connu « Hymne à Shai-Hulud ». Cet hymne avait été mis massivement en circulation dans les villes d’Arrakis, mais on soupçonnait qu’il avait un usage cérémonial secret dans les sietchs Fremen. Le nom même de « Shai-Hulud » peut être utilisé dans trois significations : Shai-hulud, sous cette forme, il désigne le ver personnifié ; sous la forme « shai-hulud » (sans majuscules) il désigne le ver des sables comme une simple créature ; enfin, Shai-Hulud avec des majuscules, il désigne le Dieu tribal fremen. Sous le régime Harkonnen et plus tôt, alors qu'ils ne savaient pas que les Fremen pouvait monter les grands vers des sables ou que leurs vies étaient étroitement liées à la production de mélange et de l'eau de vie utilisée dans les orgies d'épices, une grande partie de l'Hymne signifiait des choses différentes pour le public et pour les Fremen. Maintenant, il est facile de voir dans le neuvième verset un ricanement méprisant dirigé contre ceux qui ne comprennent pas la valeur réelle de l'humidité du corps.
  On soupçonne que l'identification de Shai-Hulud avec le Léviathan, fut qu’à l’origine c’était une espèce de monstre aquatique qui n’était pas unique. Des développements similaires eurent lieu sur d'autres planètes, comme on peut l’observer dans le « Discours à la baleine à fourrure » sombrement humoristique de Giedi Prime, ou la sinistre « Invocation à Hawt le monstre-poisson » de la vague planète océan (Humidis). Les trois chants (et d'autres comme eux) proviennent plus ou moins étroitement des chapitres de l'ancien Livre de Job, l'un des survivants les plus persistants de la mosaïque de la tradition, bien qu'il serait difficile en effet désormais aux chercheurs de travailler sur les superpositions des révisions des éditions et paraphrases locales du texte original (dans la Bible Catholique Orange, la description du Léviathan se trouve dans Job XIV). Il est, cependant, évident que des parties de « l’Hymne à Shai-Hulud » incorporent des fragments d'une description d'une autre bête (ou d'autres bêtes, peut-être un polype géant, dont l'ancienne forme du nom est apparemment pluriel), que le monstre dans Job.

Hymne à Shai-Hulud

1 -  Peux-tu tirer sur le Léviathan avec un hameçon, ou l'aveugler avec un brouillard ?
2 -  Peux-tu l’attraper par les cornes au lasso, ou veux-tu plutôt le harponner ?
3 -  Pourrait-il ramper vers toi en supplication ? Est-ce qu’il te dit des mots doux à toi ?
4 -  Te laissera-il monter sur son dos ; veux-tu le prendre pour ton porteur pour toujours ?
5 -  Veux-tu jouer avec lui comme avec une truite des sables ou veux-tu lui présenter tes servantes ?
6 -  Doit-il se joindre à vous lors des orgies ; ou veux-tu l’enfermer dans une citerne ?
7 -  Peux-tu remplir sa peau de fer barbelé ? Ou mettre tes harpons derrière sa tête ?
8 -  Danse vers lui sur les sables tambour, pour devenir sa compagne.
9 -  Contemple l’espoir de l’étranger : peut-on perdre son eau même à sa vue ?
10 -   Personne n’est assez féroce pour oser le provoquer ; qui agitera un chiffon devant son visage ?
11 -   Qui d’autre m’a inspiré, que je doive le rembourser ? A cause de lui, le suis le plus grand sous tous les cieux.
12 -   Je ne dissimulerai pas sa longueur, ni son pouvoir, ni sa grande beauté.
13 -   Qui peut découvrir ses trésors enfouis ? Tous sont cachés ensemble dans la poussière.
14 -   Qui ose passer les portes de son visage ? Ses dents autour sont terribles.
15 -   Ses anneaux sont sa fierté, enfermés ensemble comme par un sceau.
16 -   Si près les uns des autres que la poussière ne peut s’insérer entre eux.
17 -   Ses écailles sont jointes les unes aux autres, elles se collent ensemble, elles ne peuvent être écartées.
18 -   Par ses éternuements la lumière est éclatante ; de son ventre vient le feu de Dieu.
19 -   De sa bouche vient l’haleine de cannelle, qui explose à tes narines.
20 -   Une lampe brûlante rougeoie dans sa bouche ; des étincelles de cristal bondissent dedans.
21 -   Le feu brûle sur son passage, et un four s’enflamme de sa queue.
22 -   Il déplace sa queue comme un tourbillon ; le chagrin est englouti dans le tourbillon de sa joie.
23 -   Chaque segment d'anneau a une vie propre ; ses anneaux sont fermés sur eux-mêmes ; ils ne peuvent pas être déplacés.
24 -   Ne le laisse pas rouler sur toi ; tu serais broyé comme un grain dans une meule.
25 -   Quand il se lève sur lui-même, les plus vaillants ont peur ; la pression due à sa vitesse provoque le bakka en eux.
26 -   L’épée de celui qui le frappera se détournera de lui : la pointe du couteau glissera, comme le kindjal.
27 -   Il prend en considération les boucliers comme les marteleurs ; oui, les pseudo-boucliers comme des mouches piumes.
28 -   Le fusil laser ne peut l’effleurer ; il change les assommoirs en chaume.
29 -   Le vent qui ronge la chair ne peut lui faire de mal ; il rit dans la tempête coriolis.
30 -   Les très hautes montagnes le dépassent ; il étend les rivières de sable autour de lui.
31 -   Il fait bouillir le bac à sable comme un pot ; son sifflement rempli le matin.
32 -   Il trace son chemin dans le désert profond ; son passage purifie le monde.
33 -   Sur Dune il n’a pas son pareil, car il donne l’Eau de la Vie.
34 -   Il est le Maître des voies de Dieu, il est Shai-Hulud, le Vieux Père Eternité

Remarque :
  La transcription de « l’Hymne à Shai-Hulud » laisse les croyances communes universelles inexpliquées (si rarement exprimées) et le culte de Shai-Hulud était presque le même que l'adoration de Shaitan. Les Fremen étaient-ils complètement aveugle à la vraie nature de leur religion ? Tel était le cas, semble-t-il, pour la bonne raison que lorsque les fremen s’étaient établis sur Arrakis, ils considérèrent le ver des sables géant dans la même lumière que le reste du monde, comme une force du mal absolu de la nature, qui rendait de vastes étendues de la planète inhabitables. Le nom lui-même, Shai-Hulud, prouvait par sa dérivation ses associations maléfiques. Car si une dérivation acceptée le vieux Fremen shaikh-al-Hud, "vieux grand-père Hud" (cf. Bible Catholique Orange, surate VII), une autre dérivation proposait plutôt le terme Shai (tan)-hulul, « diable-in-transmigration » ou « shaitan incarné ». Houloul est un terme Fremen utilisé dans la cérémonie d'orgie de sietch pour signaler le mélange de l'homme avec l'esprit divin censé se produire après avoir bu l'eau de la vie. On croit revenir à une idée Sunsufi, telle qu'elle est exprimée dans Kalima 57 dans la Bible Catholique Orange, qui dit : « Ton Esprit est mêlé dans mon esprit comme le vin est mélangé à l'eau pure. Quand quelque chose te touche, il me touche. Et dans tous les cas tu es moi. » (Pour en savoir plus sur ce point, voir le Livre d’Azhar). Dans les premiers jours de l'association de Muad'Dib avec les Fremen, l'attitude Fremen se caractérisait par leur révérence envers le ver des sables, peut être mesuré pour Stilgar, dont la dépendance adoratrice envers Shai-Hulud était claire et habituelle. L'attitude des villes sur Arrakis était plus effroyablement superstitieuse et l'association du ver des sables avec Shaitan dans le Tarot de Dune était typique des croyances hors-Freyn. M.T.

Autres références :
-          Bible catholique orange ;
-          Pyer Breezair, ed, Summa de la croyance ancienne et la pratique (Bolchef: Collegium Tarno).

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