mardi 5 juillet 2016

Impérial, Le système monétaire



Impérial, Le système monétaire
  Malgré la relative rareté des informations économiques dans les documents de Rakis qui furent examinés, une grande quantité concernait les systèmes commerciaux et financiers de l’Imperium. Des livres de compte et autres matériaux semblables étaient parmi les plus répandus, ainsi que des enregistrements humains ; certains dossiers d’assurances Richésiens étaient connus pour dater d’au moins  vingt mille ans. Ainsi, nous sommes en mesure de parler avec confiance des questions d’argent de l’univers humain, né avant la mise en place du monopole de la Guilde et après l’établissement et le développement d’un système monétaire uniforme, devenu possible et nécessaire.
  Dans les millénaires avant le Jihad Butlérien, le commerce entre les 12 à 15.000 planètes connues et habitées, était intense mais désordonné. Même après le développement du Landsraad, il n’y avait pas de gouvernement central fort, et parmi les gouvernements des différentes planètes et systèmes, il n’y avait aucun accord sur une base économique. Ainsi, il n’y avait aucun moyen d’avoir un commerce général. La méthode de commerce interstellaire habituelle était le troc, et cette méthode fut maintenue jusqu’en 491. Jusqu’à cette date, la CHOM et les Grandes Maisons se contentaient de mesurer leur richesse sur les produits de base qu’elles possédaient.
  Mais la Guilde ne pouvait pas accumuler des produits. La Guilde n’avait aucune monnaie d’échange pour le troc sauf ses services. Durant le deuxième siècle de son monopole, la Guilde commença doucement à faire campagne pour la mise en place d’un système monétaire universel. Dans cet effort, elle fut certainement soutenue par le Bene Gesserit et peut-être par le Tleilax et Ix, qui avaient quelques difficultés à accumuler de grandes richesses sous forme d’avoir en marchandises (il faut rappeler que la plupart des produits tleilaxu et ixien étaient de moralité douteuse et d’une illégalité incontestable). Les Maisons Mineures bénéficiaient aussi d’une économie monétaire, mais il semble peu probable que l’une d’entre elles auraient pu exercer une quelconque influence à cette époque.
  La Guilde fit construire, bien sûr, des entrepôts pour un seul produit : le mélange, « l’épice » des épices. Il était extrêmement précieux, et son approvisionnement était peu important et très irrégulier. Comme la norme aurait permis de maintenir un taux d’inflation bas, en limitant l’augmentation de la masse monétaire, cela permettait une expansion de l’économie. La Guilde ne pouvait pas permettre de révéler sa propre utilisation du mélange, leur propre usage devait rester secret. Elle essaya donc, pendant un moment, de réintroduire la convoitise antique pour les métaux précieux ou les bijoux, espérant ainsi, peut-être, faire de l’or et des saphirs une norme, mais certains de ces matériaux étaient insuffisamment rares et aucun d’eux n’étaient universellement convoités. La cupidité humaine avait pris trop de colorations différentes.
  Pour finir, la Guilde conclut que dans une société stable, hiérarchisée et contrôlée, il n’y avait aucune raison de ne pas employer une monnaie entièrement artificielle. Ils multiplièrent leurs efforts pour persuader la Maison Corrino et les autres administrateurs du CHOM, des avantages de l’argent. Un avantage tel que la maniabilité, ne pouvait pas être mis en avant, car cela aurait eu tendance à adoucir la rigidité du système des Faufreluches. Les autres avantages tels que les facilités de transfert, l’emportaient sur les dangers qui y étaient associés. Enfin, deux éléments importants faisaient l’affaire de la Guilde : l’intérêt et l’effet de levier. Le premier faisait appel au désir de richesse, le second à la volonté de pouvoir. La Guilde ne se fatiguait jamais de souligner que les matières premières devaient être produites ; pour augmenter la quantité, il fallait augmenter les capacités de production. Et l’argent pouvait se reproduire, ce qui permettait le prélèvement d’intérêts. La Guilde, à plusieurs reprises, avait démontré que l’investissement d’une somme d’argent ou d’une dépense judicieuse, pouvait générer des sommes beaucoup plus importantes, ce qui était avantageux pour celui qui dépensait ou qui investissait. Les hommes de la Guilde étaient heureux de montrer les multiples façons de générer des intérêts et les effets de levier qui pouvaient fonctionner et permettre à ceux qui détenaient de l’argent de faire de grands profits.
  Pour quelques Grandes Maisons, la Guilde avança un troisième argument, celui que l’introduction d’argent rendrait le commerce interstellaire plus efficace, moins cher et plus facilement accessible. Les Maisons pauvres qui devaient leur position à la politique et aux accomplissements militaires, trouvèrent leurs perspectives pour augmenter leur avancement économique par l’argent. Un document inachevé dans la collection de Rakis fait mention de la réponse de Marco Atréides, Comte de Thueste, à cet argument : « Dans mon esprit, il ne fait aucun doute que l’introduction d’une devise commune et d’un système bancaire impérial, donnerait à ma Maison une bonne occasion d’acquérir une position politique dominante. Nous ne pourrions jamais construire de palais avec le riz pundi. Mais je crains terriblement que le prix de l’argent fasse l’honneur des Maisons qui la convoite. La soif de gloire peut faire d’un homme, un guerrier ; la Soif de bois-brouillard peut faire de lui un artiste ; la soif de femmes peut le rendre aussi nul qu’un imbécile. Mais la soif d’argent ferait de lui un comptable. Un Tatréides attiré par l’argent serait un Atréides attiré par la mort » (Lettre à Dona, lib. Conf. Temporaire, série 763).
  Quels que soient les mérites de la sensibilité du Duc Marco, il avait clairement vu quelque chose que la Guilde ne mentionnait ni dans ses arguments ni dans ses propositions : aucune introduction d’argent ne pouvait être simple car cela ne pouvait pas se faire à l’échelle interstellaire dans l’adoption concomitante de services bancaires interstellaires. Aucun autre document ne montre que Marco avait compris, à juste titre, que la Guilde voulait être la seule organisation capable d’assumer le rôle de banquier. Mais rien ne montre que la Maison de Marco ne partagea pas ses appréhensions ni les raisons qui les leur fit ignorer ; en 485, le Comte Nikos, petit-fils de Marco, fut inscrit, avec la majorité du Landsraad, au vote crucial qui, six ans plus tard, mit le solari en circulation.
  Le même vote désigna la Guilde comme le banquier de l’Imperium. Il n’y avait jamais eu de banque impériale en tant que telle, ni aucune sorte de banque centrale, mais comme Marco l’avait vu se profiler, la Guilde prit le contrôle bancaire interstellaire parce qu’elle contrôlait les communications interstellaires. L’information, comme les personnes, le plastacier, et les portyguls, n’allaient d’étoile en étoile que dans les cales des navires de la Guilde. Ainsi, l’argent, au même titre l’information, circulait uniquement grâce à la Guilde. Chaque long-courrier et la plupart des petits vaisseaux avaient au moins un commissaire de bord habilité à recueillir et à verser, à prêter et emprunter, à détenir des valeurs fiduciaires, il était aussi courtier et pouvait proroger ou retirer un crédit, et encaisser les traites ou les modifier. Dans une certaine mesure, ces officiers étaient des entrepreneurs car les pertes et profits de la Guilde dépendaient de la manière dont ils conduisaient leurs affaires et cela avait un impact rapide et direct sur leur classement dans la hiérarchie de la Guilde et donc dans leur accès à l’épice gériatrique. Aucun Guildien n’avait de raison d’accumuler les solaris, aucun moyen d’accumuler les possessions personnelles, mais ils pouvaient accumuler le prolongement de leurs années de vie.
  Comme le solari n’était qu’un nom, un peu de papier de riz et un nombre de grammes, il devait être défini en fonction de son pouvoir d’achat, dans une certaine mesure, une fois que le système monétaire soit en place et fonctionne, sa valeur se définissait par elle-même, simplement par le fait que les utilisateurs se servaient de l’argent. Dans les années suivantes, le Landsraad, en 485, et jusqu’en 491, la distribution de solaris était consacrée aux négociations complexes pour fixer le point de départ du système. La Guilde, subtilement et efficacement, résistait aux tendances qu’avaient l’Empereur ou le Landsraad, à vouloir isoler le prix de l’épice pour en faire un déterminant fondamental. Au lieu de cela, les négociateurs de la Guilde proposèrent une formule complexe d’équivalence pour les produits de base. Le processus d’échange des marchandises s’était suffisamment perfectionné au cours des siècles et la Guilde, bien sûr, avait de nouveaux dossiers ainsi que des rapports historiques faisant mention du poids/nombre/valeur de chacune des marchandises. La formule qu’ils proposaient était un effort très honnête pour préserver le classement économique relatif de toutes les Maisons. Ce débat dura plus de quatre ans.
  Les ambitions contradictoires, les rivalités et les inimitiés entre les Maisons tendaient finalement à s’annuler les unes les autres, et le poids de la Maison Corrino s’installa progressivement à côté des formules de la Guilde. Seule la version finale de cette formule est connue, mais elle fut certainement modifiée par le débat, et seules quelques Maisons, ineptes et négligentes dans leurs calculs financiers, furent affectées. La Maison Atréides, par exemple, n’avait pas pu profiter de l’équation, une tonne de riz pundi équivalait à 29 grammes de molybdène. Mais aucune Maison ne s’appauvrit ni ne devint riche en solaris si elle n’était pas déjà riche en biens réels.
  Comme l’avait prédit la Guilde, le fonctionnement du marché apportait des changements dans la valeur relative des produits et des matériaux, qui à leur tour, changeaient la définition du solari. Tous les 25 ans, le personnel financier de la Guilde, l’Empereur et le Landsraad, se rencontraient pour vérifier l’historique du marché et apporter des modifications appropriées à la formule d’évaluation du solari. La règle fondamentale de ces conférences était que le changement de formule devait laisser le classement économique inchangé. Bien que les conférences fussent des évènements politiques importants, la règle de base semblait généralement bien respectée. Les manipulations les plus artificielles des valeurs étaient faites pour encourager la production de certains types de marchandises. Cependant, aucun prix ne restait fixe plus de trois ans (sur la période, il y eut une « vague » économique qui se propagea dans l’ensemble de l’Empire) et les banquiers de la Guilde purent intervenir en faisant du dumping pour se débarrasser de certains produits.
  Pendant le règne de l’Empereur-Dieu, la gestion économique devint beaucoup plus rigide. Tout ce qui concernait Leto était le présent ouvert sur l’avenir ; il ne s’intéressait qu’aux relations que pour les changer, les modifier (et ce fut, ironiquement, la dernière monnaie flexible dans l’histoire de l’Imperium. Par exemple, pendant vingt-cinq siècles, peu importait l’approvisionnement, la demande, un solari pouvait acheter un kilo de riz pundi. L’Empereur-Dieu ne provoqua jamais de famine ; en enseignant son Sentier d’Or, Leto était devenu un policier qui faisait un mauvais usage de l’application de la loi de sorte que la restriction provoquait l’abrogation. La Dispersion fut certainement l’abrogation de l’Imperium, et une des conséquences de cette explosion fut la mise en place du drôle de système d’argent poly-variant que nous connaissons aujourd’hui. Comme la Guilde, le solari devint un élément du passé. M.M.

Autres références :
-          CHOM ;
-          D.W. Aliti, Comptes courants : les principes bancaires et les pratiques de la Guilde (Kaitain : Linthrin UP) ;
-          Dik Benat, L’application de la formule d’évaluation du solari, 1285-5085, 3v. TR. Hiizman Suradees (Gruuzman ; Isabel) ;
-          Sian Esva, Analyse croisée – variante de la production d’épice et La formule de la valeur du solari, 8895-11000 (Kaitain : Varna) ;
-          Hokosima Galant, La masse perdue : le marché des produits de base et l’adoption du solari (Grumman : Hartley UP) ;
-          K. Gerun, Une étude des comptes de la Guilde, issue des registres de Rakis (Butte : Sunimo-soso) ;
-          Harq al-Ada, ed. Les lettres Atréides Lib. Conf. Temp. Série 763).

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