jeudi 9 juin 2016

Idaho, Duncan (10208)



Idaho, Duncan (10208)
  Dans la connexion qui s’était créée lors de la mort de Chani, l’échec du Bene Tleilax fut de vouloir convertir Chani et Paul en gholas, et la naissance de Leto II et de Ghanima, le ghola Hayt était devenu un nouveau Duncan Idaho (10208-10231). Transformé par la crise initiée par le nain Bijaz, ce nouvel être était la fusion torturée de la mémoire vitale du premier Duncan et de la formation zensunni et mentat de Hayt. Le « nouveau » Duncan Idaho était distinct de ses deux prédécesseurs, et comme époux d’Alia-du-couteau, il était l’ennemi apparent de Jessica Atréides et l’allié de Paul (le Prêcheur), revenu d’entre les morts, il mérite donc une attention particulière.
  L’agonie du mariage de Duncan Idaho avec Alia, fut l’une des tragédies personnelles les plus profondes jamais infligées à la dynastie des Atréides. L’union était fondée sur une affection véritable, une forte attirance physique et un chagrin partagé pour Paul Atréides apparemment mort. Elle se termina dans l’horreur et l’Abomination. Si Duncan-10208 n’avait pas eu la sensibilité d’un poète et d’un mentat, il aurait pu survivre comme l’imbécile cocu, continuer à croire à la joie du début de son existence et au confort qui avait marqué le début de son mariage. Cependant, comme Leto II et Hhanima l’avaient soupçonné, Duncan ne pouvait pas ignorer l’adultère d’Alia, particulièrement après que le Prêcheur l’ait annoncé publiquement. Ce nouveau Duncan était trop clairvoyant pour feindre l’ignorance plus longtemps. Sa loyauté envers les Atréides était pratiquement un trait génétique, ce qui lui fit suspendre les jugements négatifs au sujet d’Alia, ses yeux tleilaxu lui avaient révélé sa vraie nature. Comme le Prêcheur l’avait plusieurs fois fait observer, et Farad’n Corrino lui avait fait écho, la loyauté ne peut être acheté que par la loyauté et Alia, possédée par le Baron, n’en avait pas, même pas pour elle-même, et beaucoup moins pour Duncan.
  Duncan se méfia immédiatement de l’intérêt que porta Alia à Javid. Alors que la personnalité Harkonnen en Alia tentait d’étouffer la conscience menta de Duncan en lui accordant de nombreuses indulgences charnelles, Duncan devenait jaloux. Il s’agissait d’une jalousie tempérée par la prise de conscience du mentat, mais la douleur resta. Ce que le vieux Baron avait prédit était l’indifférence qui adviendrait, en réalité, ce qui advint fut une dureté glacée. Les émotions du nouveau Duncan, acquises en grande partie du Duncan original, avaient toujours été malmenées par les liaisons d’Alia et, contrairement à la croyance populaire, ses yeux tleilaxu n’étaient pas immunisés contre les larmes. Alia poursuivit sa liaison avec Duncan à cause de ses capacités de mentat, particulièrement importantes à la lumière du fait que son accès à ses vies antérieures était défectueux ; et pendant la majeure partie de la vie de Duncan-10208, elle ignora qu’il pouvait voir son pathétique état psychique. Pour Duncan, elle était une chair morte, une vision tellement répugnante qu’il ne pouvait la regarder sans détourner les yeux, elle était une coquille vide, une maison de fantômes.
  Pourtant, malgré sa sagesse et sa vision, Duncan ne cessa jamais d’aimer l’Alia qu’il avait connu, et pendant une courte période, il contesta la vérité et maintint un « mythe-Alia » dans sa conscience. Ainsi, il fut frappé d’apprendre, alors qu’il était prisonnier sur Salusa Secundus, qu’Alia s’était offerte comme épouse à Farad’n Corrino, si bien que Duncan râce à ses pouvoirs de mentat, il avait exercé un contrôle de ses muscles et s’était sectionné l’artère du poignet droit sur ses liens de shigavrille.
  Cette tentative infructueuse de suicide avait provoqué le mépris injustifié de Dame Jessica. Elle croyait que cet acte provenait d’un sentiment d’autodestruction inné de Duncan, elle ne s’était pas rendu compte que ses vraies motivations fussent dictées par les actions d’Alia et par le fardeau insupportable qu’était devenue sa fidélité envers sa bien-aimée Maison Atréides. Comme beaucoup, elle laissa son souvenir de l’ancien Duncan Idaho obscurcir sa vision du nouveau. Ses qualités hybrides mettaient Jessica mal à l’aise : ce Duncan était en dissonance avec ce qu’elle pensait qu’il devait être. Une partie de ceci pouvait être excusée tout comme Duncan était immunisé contre la « voix » Bene Gesserit, il pouvait également, partiellement, se cacher des perceptions de la Sororité, un avantage qui resta secret jusqu’à l’avènement du Duncan-13724.
  Farad’n Corrino, écrivant sous le nom d’Harq al-Ada dans La Catastrophe de Dune, parle de Duncan Idaho :

« Il y avait un sens de la durée au sujet d’Idaho, le sentiment qu’il ne pouvait pas s’user. Il donnait l’impression d’être un monolithe, un tout organisé et bien intégré. Les cuves tleilaxu avaient créées quelque chose de plus qu’un homme en mouvement, il y avait un mouvement d’auto-renouvèlement de l’homme, comme s’il agissait selon des lois immuables commençant sur chaque fin. Il se déplaçait sur une orbite fixe avec une résistance à son niveau comme celle d’une planète autour d’une étoile. Il répondait à la pression sans se casser – simplement en se déplaçant sur son orbite, légèrement, mais sans vraiment changer quoi que ce soit de la base. Les Atréides étant l’étoile de son orbite ».

  Bien que Farad’n ait prédit les gholas-Duncan en continu au service de l’Empereur-Dieu Leto II, et bien que lui et Jessica aient justement vu que le premier Duncan n’était en rien différent dans ses actions, ils n’avaient pas pu voir l’indépendance de décisions que Duncan-10208 prendrait rapidement en vue de servir les Atréides.
  Le rejet de l’Abomination par Duncan-10208 et, plus tard, sa manipulation de Jessica, marqua la résolution de son problème le plus important et les preuves solides qui montraient son développement personnel. Pour le premier Duncan, la Maison des Atréides avait toujours été un organisme unique, et il était singulièrement lié à elle dans le plaisir et la douleur. Pour Hayt éveillé, Duncan-10208, la Maison Atréides fut divisée par la possession d’Alia. Les stimuli visibles et évidents qui avaient longtemps fait partie de sa loyauté fanatique disparurent. Bien que le Prêcheur emploie par la suite une de ces fameuses clés – le signe secret par lequel Paul Atréides avait l’habitude de convoquer son Maître d’arme – il le fit trop tard. L’ordre vint d’un autre Atréides, Alia commanda à Duncan d’assassiner Dame Jessica, mais le Prêcheur proposa à Duncan d’offrir Jessica comme « un joyau sans prix » à la Maison Corrino, dans le cadre d’un accord où, en contrepartie, il devait interpréter les rêves de Farad’n Corrino. A ce moment-là, Duncan vit la ruine de la Maison Atréides, il avait déjà décidé de désobéir à Alia. Ici, les anciennes valeurs Atréides et l’évidente franchise et honnêteté du premier Duncan furent mises en évidence comme étant ses seules pierres angulaires.
  Duncan resta une constante pour Paul et Jessica, tout comme le lien des autres gholas pour l’Empereur-Dieu, mais – et la différence est cruciale – ce fut une constante par décision plutôt que par foi. Il avait cessé de suivre et d’adorer ; il avait commencé à agir et à penser. Plus que cela, son habileté mentale lui permit d’éviter un matricide : il inventa un faux danger contre la Maison Corrino pour Alia ; isolée sur Salusa Secundus, Jessica était à la fois à l’abri des menaces d’Alia et l’empêchait de révéler qu’Alia était une Abomination. L’amour de Duncan pour Alia l’empêchait de la tuer, même s’il soupçonnait déjà sa part de responsabilité dans la tentative des Corrino d’assassiner Leto et Ghanima ; avec le recul cela montre qu’il avait eu tort de l’épargner.
  Duncan continua d’obéir à la fois à Jessica et à Paul, mais il se fia à son propre jugement pour renverser Alia, il savait qu’il ne pourrait plus supporter les excès et la brutalité de la Régence d’Alia ; ainsi, l’offre du Prêcheur de s’allier au Zarr Sadus provoqua le refus des rebelles fremen de se soumettre à la Qizara Tafwid d’Alia. Avant cela, Duncan avait habilement trompé Alia et les espions de Farad’n en faisant semblant de demander à être libéré formellement du service des Atréides. Ce mensonge agit si bien que même les perceptions Bene Gesserit de Jessica ne le détectèrent pas. Il renforça son apparente désaffection en disant qu’il  allait demander à Farad’n de renvoyer Jessica sur Wallach IX. La raison qu’il invoqua était que le Bene Gesserit avait des pouvoirs profonds et obscurs qu’il ne fallait pas prendre à la légère – il indiquait ainsi qu’il connaissait les plans de Jessica pour mettre l’héritier Corrino sur le trône.
  Plus tard, Jessica soupçonna l’attention réelle de Duncan, mais elle restait incertaine. Son inquiétude était partagée par Ghanima qui doutait  de « cette chair de ghola », et par Alia qui était stupéfaite par le refus de Duncan de tuer Jessica. A ce moment, Alia percevait n’importe quelle fidélité aux Atréides comme une menace, en particulier celle de Duncan ; elle avait déjà cessé de penser à elle-même comme une Atréides. Duncan se rendait compte du rejet d’Alia. Cet empressement lui permit  d’éviter la mort des mains d’une des amazones d’Alia, Zia, et lui permit d’aider Ghanima et Stilgar à fuir le sietch Tabr.
  Peu de temps après son arrivée en 10231, ses capacités lui permirent de reconnaître le danger pour chacun, en particulier pour Ghanima, et lui permit de neutraliser Stilgar. Après avoir échoué à convaincre Stilgar de sortir, avec sa troupe, de sa neutralité, il orchestra délibérément la crise qui força Javid à le tuer et à violer le caractère sacré d’un lieu neutre qu’avait soigneusement établi Stilgar. De plus il provoqua le naib furieux en l’accusant de porter un collier, une des insultes fremen les plus violentes, puis il accepta passivement sa mort du couteau de Stilgar. Ainsi, devant les cadavres du mari et de l’amant d’Alia, les fremen furent contraints de fuir la colère d’Alia, et Stilgar fut obligé de réaliser qu’il était le seul espoir de Ghanima. Dans un intermède doux-amer, au moment de la mort et de la trahison, Alia découvrit le vieil anneau d’argent et de platine de Duncan, un cadeau de son père, et dans un de ses derniers gestes humains, elle pleura tandis que le Vladimir Harkonnen, en elle, réagissait avec incrédulité : « Qui pleure ? Qui pleure ? »
  Ainsi, Duncan-10208 servit les intérêts Atréides, même lorsque la famille subissait une division interne. Comme Duncan-13724, il soutint les buts Atréides avec une liberté distincte de la fidélité entière du premier Duncan et de bon nombre des gholas-Duncan qui survinrent dans l’intervalle. En provoquant volontairement sa mort, il renonçait à la longévité induite par le mélange et par l’ensemble de ses compétences et de son potentiel. Il mourut seul parmi les fremen dont les superstitions faisaient qu’ils le considéraient comme une « chose », mais il tomba comme un homme, une personne, et non comme un serviteur. R.S.

Autres références :
-          Duncan Idaho ;
-          Atréides, Dame Jessica ;
-          Atréides, Alia ;
-          Harq al-Ada, La Catastrophe de Dune, TR. Miigal Reed (Jérémy ; Lothar) ;
-          Princesse Irulan Atréides-Corrino, Conversations avec Muad’Dib, Lib, CONF. Temp série 346 ;
-          Duncan Idaho-10208, La chronique de Hayt, trad. Kershel, préfet de Shautin (enfin ; Mosaic) ;
-          Quizara Tafwid, Les piliers de la sagesse, trad. Allad Noval (Salusa Secundus : Morgan et Sharak) ;
-          Alia Atréides, Commentaires du « Le Ghola parle » TR. Kershel, préfet de Shautin (enfin : mosaïque).

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