lundi 21 mars 2016

Fremen, La sculpture


Fremen, La sculpture

Les yeux de Muad’Dib

  Peu de documents historiques sur Arrakis survécurent à la Grande Famine et à la Dispersion, mais si ils concernaient la ville d’Arrakeen, et si ils traitaient de questions religieuses, ils étaient susceptibles de faire référence aux « Yeux de Muad'Dib » ; si quelque chose pourrait être vu par tous les résidents de la ville, tous les jours, c’est bien  « Les Yeux » qui n’ont jamais été décrits.
  Maintenant, avec la découverte du Magot de Rakis, ce puzzle mineur a été résolu, et sa solution fournit une curieuse fenêtre dans les mœurs et la pensée des Fremen du onzième millénaire.
  En 10196, comme chacun sait, Paul Atréides utilisa ses atomiques de famille pour détruire  le Mur du Bouclier, environ 1500 mètres de haut à ce moment-là, au sud d’Arrakeen. Grâce à cette brèche, ses forces purent prendre les Sardaukar par surprise. Après l’avènement de Paul sur le trône, la brèche resta comme un signe visible de sa conquête, et devint un endroit honoré par les Fremen. En 10211, deux ans après le départ de Paul dans le désert, une délégation de la ville d’Arrakeen approcha la régente Alia avec une proposition visant à créer un monument à Muad'Dib à l'extrémité ouest de la brèche. Ils soulignèrent que le bord émietté de la paroi ouest avait une ressemblance grossière avec un visage humain ; jouant à la fois avec et contre de puissants sentiments religieux, la délégation interpréta la ressemblance comme un signe de Shai-Hulud qu’à cet endroit devait être sculpté une gigantesque image de Paul, donnant sur le bled. Soucieux d'assurer la base de son pouvoir, Alia accepta le plan, et alloua des ressources suffisantes pour commencer à travailler sur la forme d'un visage à capuche, mesurant 400mètres du menton au sommet de la tête.
  Le travail devait se faire par l’utilisation de la technique de l’eau-forte du vent, une technique de gravure par le vent – la première eau-forte du vent tentée à une telle échelle, monumentale, mais une technique conforme à la tradition fremen. Les zones à protéger devaient être couvertes avec des feuilles de plastacier permettant ainsi aux tempêtes de sable du désert, du côté de la paroi à moudre, de rester loin les zones exposées. Il fut estimé que le projet prendrait soixante ans pour être achevé, après quoi toute la sculpture serait recouverte d'un revêtement de protection jusqu'au moment (peut-être trois ou quatre cents ans) où les changements climatiques réduiraient les tempêtes de sable, et où la sculpture n’aurait plus besoin de protection.
  Le travail devint une source de discorde dès que le plan fut annoncé, parce beaucoup de Fremen du désert avaient des  scrupules religieuses contre la représentation de la forme humaine en général, et contre une représentation du Messie en particulier. Néanmoins, les travaux commencèrent en 10218, en haut sur le mur ouest de la brèche, il avait la forme gigantesque d'une hotte au-dessus de deux yeux aux paupières lourdes (la construction avait commencée à partir du haut vers le bas, sur un échafaudage réduit posé sur le rebord de la paroi). À cette époque, le sentiment contre le projet était si vif qu’Alia, face à l'aggravation des problèmes politiques, ordonna que le travail soit mis de côté jusqu'à ce que le climat se calme. Mais ce calme ne vint jamais, et Leto II remplaça Alia l’année suivante. Le travail fut ensuite interrompu de façon permanente et seuls « les yeux de Muad'Dib" » restèrent à regarder tranquillement dans le désert dans lequel l’original avait erré.
  « Les Yeux de Muad'Dib » resta l'une des attractions suprêmes d’Arrakis jusqu'à Leto II qui détruisit la sculpture lorsque la brèche  s’élargit et s’approfondit permettant le passage de la rivière Idaho. W.E.M.

Autres références :
-          Fremen, Sculpture : gravure de vent ;
-          Gwaitl Iivz-Gwiltan. Sculpture Atréides, Annexe I (Paseo: Institut de Galacto-Fremen Culture).

Les Eaux-fortes du vent
  Bien que le sculpteur Fremen fût assailli par les tabous (qui diffèraient d'une région à
l’autre), en ce qui concerne la représentation de la forme humaine, la sculpture comme art décoratif fut développée à un degré élevé sur une grande partie de la planète. Une méthode particulière dans le désert Fremen : « l’eau-forte de vent ».
  Le processus de gravure par le vent commença avec la collection d'insectes Laccifera Arctica, qui vivaient sur les rameaux de certaines plantes originaires des régions septentrionales quasi-polaires. La résine sécrétée par les insectes était recueillie et échangée par les Fremen du désert, qui la faisait bouillir (la distillaient et récupéraient la vapeur d'eau dégagée – pas de déchet, pas de perte) pour produire un vernis similaire à de la gomme. Le sculpteur répandait le vernis en une couche épaisse sur la surface de la pierre à graver, les hommes rayaient la surface de la face enduite avec un outil de traçage en silex. Le lendemain d’un calme météorologique, la pierre était reprise dans le sietch et mise en place dans un endroit bien ensoleillé, mais protégé du vent. La chaleur du soleil cuisait  la gomme pour en faire un revêtement dur, lisse. Avant la prochaine tempête attendue, la pierre était placée de sorte que le vent souffle  directement sur la face enduite.
  Quand la tempête arrivait, le sable qu'elle  portait abrasait la face enduite, il érodait la pierre, mais uniquement sur les zones que l'outil de traçage avait découvertes. Lorsque  la tempête se calmait, le sculpteur enlevait le revêtement restant et examinait la surface. La face était ensuite ré-enduite, et le processus se répétait autant de fois que nécessaire (parfois dix ou vingt fois) pour produire les différents motifs de décoration et de bas-relief qui étaient souhaités. Puisque seule une grosse tempête pouvait produire la force d’érosion nécessaire pour sculpter la pierre, les sculptures mettaient souvent des années à être créées.
  Des modèles d’une grande délicatesse et beauté pouvaient être créés de cette manière, et de nombreux Fremen furent, à juste titre, reconnus comme Maître sculpteurs d’eau-forte de vent. Le plus important d'entre eux, au cours de la période Atréides, fut sans doute Karmara al-Jofar, qui grava les architraves dans la grande salle de réunion du palais de Paul Muad'Dib à Arrakeen. Pourtant, ceux qui les ont comparés disent que la meilleure œuvre d’al-Jofar ne correspond pas, dans la complexité et la délicatesse des lignes, à celle du Maître du Sietch Rifana, un inconnu des Fremen du désert en 9800. Malheureusement, aucune œuvre du Maître du Sietch Rifana n’est connue pour avoir survécu, mais la découverte sur Rakis a conduit à une prudence compréhensible dans les déclarations précises sur ce qui est ou n’est pas perdu pour la postérité.
  Les inscriptions étaient des sujets populaires pour les gravures de vent. Sur celle reproduite ci-dessous on lit « al-xishf almuzakki » (le faon adulte), il était accroché comme un écriteau au-dessus de l’entrée de la taverne d’Arrakeen.


 Comme le montre cet exemple, une pierre gravée par le vent pouvait être utilisé à l'extérieur comme un écriteau ou comme une frise sur la corniche d’un bâtiment. Mais lorsqu'elle était utilisée à l'extérieur, les sculptures devaient être constamment protégées par des applications de vernis sur toute la surface.
  La couche d'abrasion devait être uniforme dans l'épaisseur pour permettre au  relief de ressortir, et elle devait être renouvelée régulièrement en fonction du degré d’altération qui avait eu lieu. À la suite des soins que les sculptures extérieures nécessitaient, les artistes pensaient rarement à leur travail comme quelque chose de séparable d'eux, ou comme quelque chose de vraiment fini lorsque la gravure était achevée. L'attitude des sculpteurs Fremen du désert était plus proche de celle d'un gardien de bétail ou d’un cultivateur de plantes, dont les soins se poursuivaient tout au long de sa vie. W.E.M.

Autres références :
-          Gwaitl Ijvz-Gwiltan, La Sculpture Atréides, chapitre 3, « eau-forte de vent » (Paseo : Institut de la Culture des Galacto-Fremen).


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