vendredi 11 septembre 2015

Arrakis, la transformation écologique



Arrakis, La transformation écologique, Pardot Kynes (10121-10175) fut nommé planétologue d’Arrakis par Ekrood IX en 10149. L’écologiste de 28 ans fut considéré comme trop jeune pour le poste par ses ennemis, et trop vieux pour une telle nomination par ses partisans. Ceux du côté de Kynes avaient déjà la preuve que Kynes était un des plus grands praticiens dans son domaine, depuis sa gestion de l’épidémie Cartha dur Ecaz[1], et qu’Elrood avait fait un choix judicieux.
     Dès son arrivée sur Arrakis, ses relations avec les harkonnen, détenteurs du fief, ne furent pas bonne. L’écologiste ne se souciait ni de politique, ni des intrigues existantes, il voulait simplement être seul pour étudier la planète désertique et faire un rapport, sur ses conclusions, à l’Empereur. Mais les harkonnen le dérangeaient contamment, par leur insistance à vouloir qu’il soit accompagné par un ou plusieurs gardes de la Maison. Kynes protestait contre ces ordres à son encontre, quand c’était possible, ils les contournaient, estimant que les dirigeants de « sa » planète n’obtiendraient aucune information sur ses travaux.
     Un autre sujet de dissension existait à propos des harkonnen, c’était qu’ils considéraient Arrakis comme un enfer ne servant qu’à produire l’épice inestimable et la main-d’œuvre indigène à récolter cette épice. Kynes eut très vite une vision : il fut de plus en plus convaincu, à chaque nouvelle découverte, qu’il pourrait transformer la planète en un monde plus clément, dans lequel les humains pourraient vivre sans la menace permanente d’une soif entrainant leur mort.
     En 10151, il décida que seuls les fremen étaient capables de transformer ce désert selon ses propres directives et de mettre ainsi son projet en œuvre. En plus de leur propre point de vue écologique inné, les fremen étaient les seules personnes sur Arrakis qui ne craignaient pas les harkonnen. Ils ne payaient pas le fai, le tribut d’eau, aux tyrans et ne craignaient pas de tuer des étrangers qui étaient assez bêtes pour envahir leur territoire. Kynes décida qu’il tenterait de convaincre les fremen, dès qu’une occasion se présenterait pour lui d’entrer dans un de leur sietchs.
     Au printemps de la même année, l’une de ses rares excursions sans garde harkonnen, Kynes tomba par hasard sur une opportunité. Derrière le Mur du Bouclier, dans le secteur proche du village de Sac-à-Vent, il fut témoin d’une scène où une demi-douzaine d’harkonnen, lourdement armés et munis de boucliers, jouaient à intimider trois jeunes fremen, il était évident qu’ils avaient décidé de les tuer, pour le simple sport. Kynes entra dans la mêlée et tua rapidement deux harkonnen, avant que quiconque réalise qu’il s’était joint à la bataille. Il vit l’un des fremen abattre deux harkonnen avec leurs propres armes, avant de s’apercevoir que l’un des jeunes avait été blessé, une artère sectionnée. Kynes se dépêcha de lui porter secour, laissant le seul survivant aux mains des deux fremen.
     Pour des jeunes gens aussi inexpérimentés, l’écologiste représentait une charge d’eau sur leurs épaules et ils ne savaient pas comment le rembourser. Confus, ils emmenèrent kynes avec eux dans leur sietch qui dominait la Passe-du-Vent. Que les anciens décident ce qui devait être fait avec ce serviteur de l’Empereur !
     Une fois dans le sietch, Kynes se senti vraiment dans son élément. Il fit un cours devant les fremen étonnés, leur parlant – des meilleurs moyens d’ancrer les dunes avec de l’herbe, des arbres, qui pourraient mieux se développer dans des ceintures vertes, des avantages et des inconvénients des qanats (canaux d’eau) pour l’irrigation – mais revenant toujours au sujet magique : l’eau. Les fremen l’écoutèrent, alors même qu’ils avaient décidé quoi faire avec cet étranger fou qui avait sauvé la vie de trois jeunes idiots, et s’émerveillèrent du mépris qu’il avait pour sa propre sécurité.
     Kynes était clairement admiré par la plupart des membres de la troupe, c’est pour cette raison qu’ils acceptèrent sa condamnation à mort avec regret. Cependant, la sécurité du sietch l’emportait sur toutes les autres considérations et Uliet, l’un des combattants les plus expérimenté de la troupe, fut envoyé avec un couteau consacré, pour exécuter la sentence. Deux porteur d’eau le suivirent prêts à prendre l’eau de l’intrus pour le sietch.
     Son cours magistral l’avait tellement absorbé qu’il ne vit pas ce qui se passait autour. Et, lorsqu’Uliet s’approcha, l’écologiste continuait son exposé en marchant. « Otez-vous de là », dit-il à son bourreau, puis il se tourna et continua.
     Uliet hésita, et cette hésitation lui permis de prendre une décision qui allait changer le destin de son peuple. Au lieu d’éliminer l’écologiste, il fit trois pas et tomba sur son krys, s’ « ôtant » lui-même, comme Kynes l’avait ordonné. Les porteurs d’eau, stupéfaits, l’emmenèrent au distille de mort et Kynes continua son cours comme si rien ne s’était produit.
     Pas un seul membre de la troupe ne pensa à poser de question, tant il était évident que le message venait de Shai-hulud. Kynes devait les conduire et ils devaient le suivre.
     En commençant par une bande d’un kilomètre carré située dans le désert profond (environ 40° de latitude sud), Kynes ordonna que les tribus commencent le travail de décantation dans la région, jusque-là inhabitée. La première tribu envoyée, mourut dans sa quasi-totalité, ne laissant qu’une paire de messagers pour rendre compte. Kynes les écouta, pris soigneusement des notes, et envoya un autre groupe, celui-ci mieux préparé. Des 150 personnes parties pour le sud, la tribu se trouva réduite de moitié au cours des six premiers mois. Mais la colonie s’établit.
     Kynes, pendant ce temps, ne resta pas inactif. Sous le nez sans méfiance de ses surveillants Harkonnen, il fit introduisit les fremen du désert dans les stations d’expérimentation biologique. Les fremen étudiaient, menaient des expériences, prenaient des outils et de l’équipement qu’ils emmenaient dans leurs sietchs afin de construire des pièges à vents et des bassins de capture. Avec une lenteur de mort, les bassins commencèrent à se remplir, l’eau tirée de l’air était complétée par celle récupérée par les distilles de mort. A la seule exception de l’eau des combats, qui appartenait au vainqueur d’un combat au corps à corps, toute l’eau obtenue par les sietchs trouvait sa place dans un de ces bassins. Aucun fremen n’aurait bu cette eau, même dans des cas extrême, sous peine de perdre leur âme. C’était l’eau du Paradis, sacrée au-delà des mots.
     Les harkonnen ne savaient rien du plan de Kynes, ni de ses fremen. Derrière le dos de l’écologiste, des blagues étaient faites à propos de son plaisir à s’associer à la « racaille du désert » - blagues qui devinrent encore plus vicieuses lorsqu’il fut de notoriété publique qu’il avat pris Mitha, une femme du sietch Tabr, comme épouse – mais personne n’osait se moquer de lui ouvertement. Les fonctionnaires impériaux, quelque soient leurs particularités, avaient le pouvoir. Kynes avait plus que la plupart, grâce à sa popularité avec l’Empereur et celle avec les indigènes d’Arrakis. Il reçut beaucoup en retour.
     Tandis qu’un groupe de fremen de Kynes, luttait pour résoudre le problème pour fixer le sable, d’autres étudiaient les conditions météorologiques, les climats de la région, et la myriade d’autres problèmes écologiques qu’il fallait résoudre.
     L’existence de quelques plantes, découvertes et cultivées par les fremen, étaient particulièrement curieuses. Par exemple, une plante à racine locale, rare, qui poussait au-dessus de 2.500 m dans la zone tempérée nord, souvent surnommée « le don à l’assoiffé » en raison de sa forte teneur en eau : un tubercule de deux mètres de long qui contenait près d’un litre et demi d’eau, plus d’humidité que n’en pouvait contenir une quelconque autre plante. D’où pouvait-elle tirer cette eau, si l’atmosphère n’en contenait pas assez ?
     Kynes travailla comme un fou à coordonner les données entre les groupes et à effectuer ses propres tests, tout en faisant bonne figure devant les harkonnen pour les garder à distance – comme l’Empereur – du but réel de ses travaux. Si la fatigue le gagna, il ne le montra jamais à ses fremen qui en étaient venus à le considérer comme un Umma, la confrérie des prophètes. Cela ne fit aucune différence pour Kynes, tant que ses travaux progressaient.
     Les deux dernières analyses permettant de démarrer les vrais travaux qui aboutirent à un mois d’intervalles. La première confirmation fut que le plan était viable : Kynes eut confirmation qu’il y avait bien eu du sel dans certains coins du désert. Ce qui prouvait qu’il y avait eu de l’eau libre sur Arrakis, à une certaine période ; or ce qui avait été pouvait être de nouveau.
     La seconde découverte concernait le ver des sables. Ces créatures puissantes qui avaient commencé leur existence comme plancton des sables, avaient ensuite muris et étaient devenus des truites des sables avant de devenir des vers ; c’était sous la forme de truites de sables – que ces « voleurs d’eau » nageaient dans le sable en enkystant toutes les traces d’eau disponibles dans les strates inférieures poreuses – ce qui inquiétait le plus Kynes. Ces animaux savaient si bien faire disparaître l’eau, qu’est-ce qui aurait pu les empêcher de dessécher les zones où ses fremen s’étaient installés ?
     Ses craintes s’avérèrent infondées, lorsque les truites des sables capturées furent relâchées dans un jardin d’une des stations expérimentales. Malgré tous leurs efforts, elles ne purent exécuter leur tâche habituelle, dans un environnement saturé d’eau et de racines. Elles montrèrent deux réactions : le vol et la mort.
     Plus de fremen furent envoyés pour s’établir dans les zones d’essai, le long du 40° de latitude. Avec eux, ils emmenèrent une variété d’équipement (de forage) sophistiqué et des graines à l’épreuve des truites des sables, le matériel habituel pour fabriquer les pièges à vent et creuser les bassins de capture temporaires. S’il y avait de l’eau dans le sous-sol, ils étaient prêts à creuser pour la trouver, autrement les pièges à vents suffiraient.
     Dans chacune des douze zones d’acclimatation, on ensemença d’abord sur les dunes situées sur le parcours des vents d’ouest dominants, une fois que le versant opposé au vent était ancré, celui qui s’offrait au vent était de plus en plus haut et l’herbe était déplacée pour l’édification de sifs géants, de longues dunes dont la hauteur pouvait dépassait parfois 1.500 mètres.
     Le travail était éreintant, mais les plantations avançaient rapidement. En tout, quatre zones-tests connurent un échec – l’herbe refusa de prendre racine – les dunes-barrière furent prêtes en quelques mois.
     Kynes, dans l’intervalle, avait entrepris de nouveaux travaux. Après des semaines de recherches soigneuses et de corruption discrète, il s’était arrangé une entrevue avec Altenes et Garik d’Ix, les deux hommes étaient responsables de la direction de la Guilde spatiale. Sans expliquer ses propres raisons, et en utilisant les sensibilités de la Guilde concernant son approvisionnement en Mélange, Kynes obtint un accord, la Guilde n’autoriserait aucun satellite d’observation au-dessus du désert profond d’Arrakis en échange de livraisons d’épice. Le montant exorbitant d’épice que demandait la Guilde était justifié pour que les zones plantées demeurent cachées, elles furent surnommées les Palmeraies.
     Avec la mise en place de barrières en tuiles, les plantations se poursuivirent dans les huit zones restantes. Des espèces de tous les coins de l’Imperium furent amenées et plantées, en commençant par des chénopodes, ansérine et amarante. Robustes, filandreuses et difficiles, même pour Arrakis, ce trio mis seulement deux ans pour fournir des bandes de croissance stable, sous la protection des sifs, en s’étendant vers l’extérieur.
     Ceci fut le signal pour introduire progressivement,- mais seulement progressivement – les plantations les plus fragiles. Le genêt d’Ecosse, lupin et eucalyptus (de la variété adaptée aux territoires nordiques de Caladan), tamaris nain, pins méditerranéens furent plantés de chaque côté des sites. Le taux de mortalité de ces nouveaux arrivants était plus élevé que celui de leurs prédécesseurs, et ce en dépit des soins que leurs prodiguaient les fremen, mais les plants qui réussissaient à survivre s’étaient endurcies et produisaient des graines plus résistantes.
     Mêmes les plus petits résultats étaient obtenus grâce à une énorme dépense de temps et de travail. Chaque plant était soigneusement entretenu, élagué et prudemment arrosé ; chacun était pourvu de son propre collecteur de rosée pour réduire son apport d’eau supplémentaire au minimum. (Les collecteurs de rosée étaient des ovales lisses de chromoplastic qui étaient placés dans le trou contenant les racines de la plante. Pendant la journée, le chromoplastic chauffé devenait blanc et brillant – la nuit, il refroidissait et redevenait transparent. En refroidissement rapidement à la suite des changements de température, il condensait l’humidité de l’air, et cette humidité, transformée en eau, coulait jusqu’aux racines). En dehors des travaux directement liés aux plantations, il fallait prendre en charge de nombreuses productions : collecteurs de rosée, distilles, tissus et toutes les autres nécessités dans le sietch.
     Chaque membre de la troupe, à un âge très précoce, était censé contribuer à la vie collective. Les enfants fremen, à peine plus hauts que les plantes qu’ils entretenaient, apprenaient à vérifier les collecteurs de rosée, supprimer les pousses mortes ou mourantes et commençaient à apprendre les rouages de l’écologie d’Arrakis dès l’âge de 5 ans.
     Le propre fils de Kynes, connu par la troupe sous le nom de Liet, ne fit pas exception. Mitha, la mère du garçon, mourut peu après sa naissance en 10156, et Kynes accepta que l’enfant soit élevé au sietch Tabr, avec les autres enfants. Liet, comme ses camarades, partageait son temps entre l’enseignement et le travail au sietch et dans les différentes plantations.
     Kynes, se sachant sous surveillance, plus ou moins constante, des harkonnen, restait loin des palmeraies. Mais il restait le guide et, lorsque les rapports de ses fremen (en 10160) indiquèrent que les plantations du deuxième stade étaitent maintenant florissantes, il ordonna l’accélération du processus.
     Candelilla, saguaro et bisnaga ou cactus-tonneau furent les suivants sur la liste, suivis en 10163 par la sauge-chameau, herbe d’oignon, herbe de Gobi, luzerne sauvage, verveine des sables, l’onagre, l’encens, le fustet et le créosote. Chaque variété pris différemment selon les sites, mais en 10167, chaque palmeraie avait plus que triplée sa superficie originale, avec de plus en plus d’eau emmagasinée dans les racines.
     Les animaux furent alors introduits : le renard, la souri-kangourou, le lièvre du désert et la tortue de sable, pour creuser et garder le sol aéré ; le faucon du désert, la chouette naine, l’aigle, le hibou du désert, pour éviter la prolifération des fouisseurs sur les sites ; scorpions, mille-pattes, araignées piégeuses, guêpes piqueuses et mouches de vers, pour remplir d’autres niches écologiques nécessaires ; et la chauve-souris du désert pour garder les insectes sous contrôle.
     Trouver les soldats appropriés parmi les nouveaux arrivants ne pris que deux ans – les fremen avaient bien appris la leçon de l’écologiste – et les palmeraies étaient prêtes pour le stade final, le plus crucial. Plus de 200 plantes alimentaires avaient été sélectionnées, y compris le café, palmiers-dattiers, les melons, le coton et diverses plantes médicinales avaient été passées en contrebande depuis d’autres planètes, et dispersées dans les palmeraies.
     Connaissant l’importance qu’accordaient les fremen à la survie des plantes et leur but, ils se mirent à travailler plus dur que jamais. Dans certains cas, ils établirent des tours de garde pour surveiller les nouvelles pousses afin d’éviter les attaques de rongeurs. Chaque fois qu’une plante mourait, ses restes étaient soigneusement examinés, comme un Empereur autopsié.
     Chaque information était rapportée à Kynes, principalement par l’intermédiaire de son fils qui était devenu un cavalier des sables à l’âge de 12 ans, comme il se devait. Liet avait une excellente mémoire et un don pour l’observation, et au cours des trois années qui suivirent, il transmit des rapports de plus en plus encourageants à son père. Parmi les variétés plantées, plus d’une centaine furent cultivées avec succès, sans changement majeur. Parmi celles qui restaient, 75 avaient été modifié afin d’être adaptables à Arrakis, par greffage, métissage ou altération des graines par divers stimuli. (Kynes avait formé un groupe spécialisé dans ce type de traitement, mais Salim était sans conteste le plus doué de tous les fremen). Seule une trentaine de plants s’avérèrent absolument incapables de survivre.
     Comme les surfaces cultivées s’étendaient de plus en plus loin, un phénomène étrange se produisit. Une incompatibilité de protéines empoisonnait le plancton des sables qui était en relation avec les nouvelles formes de vie. Dans chaque palmeraie, à l’orée du désert, une zone aride, sature d’eau toxique, s’était formée  et aucune forme de vie ne pouvait s’en approcher.
     Pour ce développement jamais vu, Kynes ne pouvait le déléguer à personne. Il inventa une obscure histoire de plante qu’il devait aller étudier à la périphérie des sietchs, pour échapper à la surveillance harkonnen, et organisa son transport dans le sud. (Il fit le voyage de 20 marteleurs dans un palanquin, conduit par ses fremen, comme un homme blessé ou une Révérende Mère, car il n’était jamais devenu un cavalier des sables.
     Durant les 3 jours qui suivirent son arrivée dans la zone stérile, il s’enferma dans son yali, ses quartiers personnels, où personne n’aurait oser le déranger, et examina les échantillons de sol contaminé. Le matin du quatrième jour, il sortit, aussi hagard qu’un homme qui aurait marché depuis la Grande Plaine et annonça à ses fremen anxieux, une nouvelle surprenante.
     Le poison était une bénédiction déguisée, un don de Shai-hulud ! L’ajout d’azote et de soufre aux substances chimiques produites par le plancton des sables décomposé, convertirait la zone stérile en un sol riche dans lequel leurs plantations pourraient prospérer. La rapidité avec laquelle les palmeraies pourraient s’étendre serait maintenant déterminée uniquement par la quantité de travail que les fremen pourraient fournir, et la quantité d’eau disponible.
     Suite à cette nouvelle donne, le découpage du calendrier prévisionnel de Kynes pour la transformation, se modifia considérablement – de trois, il passa à un siècle et demi. Mais les fremen était un peuple qui avait appris la patience sous le joug d’hommes avec des fouets, ils se contentèrent d’attendre, sachant que leurs travaux achèteraient la gloire pour eux-mêmes et une vie au paradis pour leurs descendants.
     Les palmeraies continuaient d’évoluer sur le chemin fixé par Kynes, tendrement pris en charge par les fremen et un inconnu pour tousd les étrangers depuis un demi-siècle. La mort de Kynes en 10175 dans l’excavation du Bassin de Plâtre, ne causa aucune modification sur le plan. Pas plus que la guerre Harkonnen-Atréides, la disparition de Liet Kynes (qui avait hérité la place de son père auprès des tribus en 10191), ni même l’ascension de Paul Muad’Dib en 10196. Quand les soldats du Jihad quittèrent Arrakis pour se battre, ils savaient que ceux qui restaient prendraient soin des palmeraies.
     En 10221, lorsque Leto II commença à se transformer en l’être surhumain qui règnerait plus de 3.000 ans, le plan de Pardot Kynes continuait. Aussi sage et clairvoyant qu’ait été le planétologue, il n’avait pas imaginé que son calendrier pourrait entrer en conflit avec un Dieu.
     Lorsque Leto II commença son règne, il avait besoin de temps. Il savait qu'il allait continuer, et peut-être hâter la transformation que Kynes avait lancée, mais il n'avait pas encore décidé à quel rythme ce serait fait. En 10221, il fit reculer le plan de plusieurs décennies en détruisant les qanats de quatre des huit palmaires : Gara Rulen, Sac-à-Vent, la Vieille Faille et Harg[2].
     Privées de leur eau, les plantations les plus fragiles se flétrirent et moururent. Il ne resta que a moitié des espaces verts – la Passe du Vent, le Roc du Menton, le Bassin de Hagga et Tsimpe – crées par Kynes, son rêve fremen.
     Les fremen, effrayés par cette destruction, abandonnèrent leur travail et se concentrèrent sur les sites restant, en espérant que la paix revienne.
    Leto II, une fois son règne établit, leur donna plus. Il leur offrit une palmeraie à ciel ouvert et fit de son développement une priorité impériale. Les fremen purent continuer leur travaux à une allure qui aurait stupéfait et satisfait Pardot Kynes.
     En 10260, cinquante palmeraies, chacune plus grande que les sites d’origine, étaient à divers stades d’achèvement ; un siècle plus tard, elles s’étaient assez étendues sur Arrakis, pour avoir atteint le stade « d’auto-entretien » qu’avait initialement prédit Kynes. (Il avait établi que trois pour cent des plantes vertes devaient contribuer à la production de composés de carbone pour démarrer un cycle autonome, et il était très près de la vérité. Le chiffre réel est 3,92%).
     Au fur et à mesure que les bandes de verdure s’étendaient sur la planète, les formes de vie indigènes, y compris les vers des sables, étaient chassées dans des réserves de plus en plus petites. La mise en place du cycle de kynes marqua la fin pour eux : le dernier ver des sables fut aperçu en 10402 et il était à l’agonie.
     L’Empereur-Dieu intervint, une fois de plus, ordonnant que les satellites ixiens de régulation du temps soient déplacés sur une petite zone qui resterait désertique. Alors que les satellites météorologiques avaient été en usage sur Arrakis à des degrés divers, la règle de Leto II les confina dans une utilisation unique dans l’histoire de la planète. Les satellites précédents avaient été utilisés pour adoucir un climat féroce ; là, ils étaient destinés à ramener un peu de la férocité perdue, pour préserver un petit morceau d’Arrakis, le Sareer, au plus près possible de sa forme d’origine.
     Le travail pour lequel les palmeraies avaient été conçu fut achevé bien les espérances les plus chères de l’homme qui les avait rêvé. Arrakis, Dune, la planète désertique, dans un sens, n’exista plus.                                                                                                                              C.T.
   
Autres références :
-          Arrakis, atmosphère d’avant les Atréides ;
-          Pardot Kynes, Ecologie de Dune, tr. Ewan Gwatan, Etudes d’Arrakis 24 (Grumman : Les Mondes Unis) ;
-          Harq l-Ada, L’histoire de Liet Kynes (Workin-Progress, Etudes d’Arrakis, Temps er 109, lib Conf.)


[1] En 10148, le champignon Cartha menaça de détruire toutes les plantations de bois-brouillard d’Ecaz ; Kynes recommanda l’implantation de spores de champignon kuenn, une tumeur bénigne qui évinça le cartha et sauva les bois précieux.
[2] Les huit palmeraies avaient été nommées d’après les huit Stations expérimentales impériales ; ainsi, personne ne pouvait alerter les harkonnen en les citant.

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