Atréides, Paul Muad’Dib
Tenter de discuter de la vie de Paul
Atréides, c’est confronter la question de fait à la fiction. Tandis que peu
d’érudits osent suggérer qu’une telle personne ait jamais vécu, la plupart
contestent l’exactitude des contes en prétendant énumérer ses réalisation. Il devint,
en effet assez populaire parmi les nombreux historiens d’écrire de longs
articles et même des livres qui « démystifiaient » les légendes et
superstitions qui surgirent à son sujet. Fait intéressant, tous les récits se
basèrent sur un seul rapport écrit en 11673 par l’important historien et
anthropologue Neja N’Nam-Krib qui affirma que Paul Atréides ne pouvait pas être
un fils de sang du Duc Leto Atréides et ne pouvait pas avoir accompli la
plupart des grandes choses qui lui sont attribuées. Ce qui est continuellement
oublié par les historiens, est que ce rapport fut rédigé par un mercenaire de
l’archevêque Spil, dont la propre puissance était sur le déclin à cause des
légendes associées à Paul. Ces légendes étaient une source constante de
rébellion contre les propres tentatives de l’archevêque de contrôler les cœurs
et les esprits de ses disciples et, par conséquent, il fut évident qu’il avait
besoin d’un rapport prouvant que Paul Atréides n’était ni un Noble-né, ni un
stratège-militaire plutôt doué.
Mais ce point de vue va à l’encontre de toute
explication logique, de ce que nous savons de cette ère quelques cinq mille
cinq cents ans dans notre passé. Le deuxième jihad et le rôle des fremen, sont
des faits historiques. La brève floraison de la planète désertique Arrakis est
bien documentée. L’existence de Leto II Atréides, L’Empereur-Dieu de Dune, ne
peut-être niée. Comment peut-on accepter l’existence de ces êtres sans accepter
ce que l’on considère maintenant comme des légendes de Paul Muad’Dib ? Ainsi,
cela sera le but de ce bref article pour juste illustrer dans quelle mesure et
comment, de façon cohérente, ces légendes expliquent l’histoire des mondes en
général et les événements qui se déroulèrent sur Arrakis, en particulier.
D’abord, la naissance et la lignée de Paul
Atréides, les histoires racontées par les fremen, confirmées par Leto II dans
ses Mémoires sur cristaux
riduliens et corroborées par les historiens de la Maison Corrino, Irulan
Corrino-Atréides et Harq al-Ada, insistent sur le fait que Paul Atréides était
le fils du Duc Leto Atréides (10140-10191) et de sa concubine, Dame Jessica
Harkonnen (10154-10256). Les trois sources sont d’accord sur la date de
naissance : 10175. Mais ces trois sources ne sont pas les seules raisons
de croire que Paul était un Atréides. Les actions des fremen du sietch Tabr
peuvent indiquer qu’il était un hors-monde et qu’on lui avait permis d’être
éduqué comme un noble-né par la maison des Atréides.
Selon la culture fremen, Stilgar, le naib du
sietch Tabr, aurait dû mettre à mort Paul et Dame Jessica qui se retrouvèrent
dans le désert après l’assassinat du Duc Leto. Ils étaient une menace pour le
sietch de deux façons : d’abord, si on les laissait en vie, ils auraient
pu conduire n’importe qui à proximité du sietch ; deuxièmement, comme
hors-monde, ils n’étaient pas familiers des moyens de survie dans le désert,
ils auraient donc dû survivre sur les ressources du sietch. Il y avait plus de
raisons de les tuer que de les sauver : l’eau récupérée à partir de leurs
cadavres pouvait augmenter les provisions du sietch.
Beaucoup d’historiens croient que le fait que
ni Paul ni Dame Jessica ne furent tués, est une confirmation qu’ils étaient
tous deux originaires du sietch Tabr.
Ils déduisent qu’aucune autre explication ne pouvait justifier le comportement
de Stilgar. Mais en optant pour cette simple explication, ces historiens
brouillent à tout jamais les pistes des événements postérieurs. Si la lignée de
Paul était celle d’un simple fremen, pourquoi les membres des autres sietch
auraient-ils liés leur sort au sien ? Le développement culturel et
politique des fremen en 10191 ne permettait pas une union soudaine de tous les
sietchs, même contre un ennemi commun. Non, les fremen n’étaient pas assez bien
organisés dans leurs sietchs, à ce moment-là, pour une, pour une telle action
concertée. Et, plus important, le tau ou l’unité d’un sietch fremen, cette
unité aurait été carrément impossible, compte-tenu de leur nature.
Pour les fremen, se rallier sous la bannière
d’un seul héros, exigeait que ce héros n’ait pas un tau étranger et ne soit pas
associé à un seul sietch. Paul Muad’Dib, en tant que membre de sang des
Atréides, remplissait parfaitement les conditions nécessaires. Considérez que,
comme fils du Duc Leto, Paul avait été formé par les meilleurs guerriers de
l’époque : Duncan Idaho et Gurney Halleck. Son tuteur avait été le mentat
zensunni Thufir Hawat, un homme qui, étant donné que les fremen étaient issus
de la même caste zensunni, avait une position unique pour donner au jeune Paul
la tournure d’esprit qui cadrerait bien avec la pensée et la croyance fremen.
Il faut
garder à l’esprit que Paul était le résultat du programme génétique des Bene
Gesserit pour lequel des rapports des plus précis existent encore maintenant.
Dame Jessica trahit ce programme en ayant Paul, au lieu d’une fille. En
d’autres termes, Paul Atréides était le résultat d’un programme qui durait
depuis des milliers d’années, un être qui devait incarner tous les pouvoirs du
Bene Gesserit et au-delà. Que Paul Atréides fut littéralement le kwisatz
haderach ou non est bien sûr discutable. Cependant, il l’était clairement, pour
ceux qui voulaient voir en lui l’essence même du guerrier ultime, le chef
(appartenant à la Maison des Atréides) et le maître-politicien (appartenant à
la Maison des Harkonnen). Un tel homme pouvait rallier les fremen et conduire
le second jihad. Aucun autre homme n’aurait pu le faire parce que les fremen
n’auraient, tout simplement, pas suivit.
Enfin, même si les rapports concernant le
programme génétique n’avaient pas existé (on pourrait dire qu’ils étaient
inventés), on a des raisons de croire que Dame Jessica était la mère naturelle
de Paul. Il est évident qu’à partir des événements entourant Paul Muad’Dib, on
peut en conclure qu’il maitrisait les pouvoirs de la Voix et savait pratiquer
la Litanie contre la peur. Où
pouvait-il avoir obtenu une telle formation autrement qu’avec un adepte du Bene
Gesserit ? Pourquoi un membre de la communauté des sœurs aurait-elle donné
au garçon cette formation approfondie, s’il n’avait pas été son propre
fils ?
Pour conclure cette section de l’article, on
peut raisonnablement accepter que Paul fût un Atréides né. Aucune autre théorie
ne peut être cohérente et expliquer les faits connus que firent les fremen, et
la rébellion d’Arrakis qui mena au second jihad.
Quelles furent les actions de Paul Atréides
dans les années 10191-10193 ? Il est vrai que nous en savons très peu sur
lui au cours de cette période, mais il serait insensé de conclure que ce manque
d’information prouve que Paul était plus une légende qu’un homme. Alors que de
nombreux historiens spécialisés dans l’histoire ancienne et les mythes, sont
prompts à souligner que ces lacunes écartent une partie des modèles mythiques,
ce qui évite de les passer sous silence, ils sont coupables de se précipiter
sur des conclusions simplistes faisant de la vie de Paul à cette époque, un
parallèle avec les mythes. Cela signifie-t-il que chaque fois que la fiction
imite avec succès la réalité, cette réalité doit être considérée comme une
fiction ? Une telle déclaration est, bien sûr, absurde.
Il est difficile de voir qu’il existait des
raisonscompréhensibles à cet écart. Paul, comme fremen, était traqué par les
Harkonnen et par le Padishah Shaddam IV (10134-10202). Bien que tous pensaient
que Paul et Dame Jessica étaient morts, il n’y avait aucune preuve tangible et
cela donna toutes les raisons à Paul pour cacher son existence. Pourquoi les
fremen auraient-ils voulu garder des rapports sur la vie de Paul ? Ce
n’était pas un peuple axé sur l’écriture (l’histoire écrite), mais en plus, ils
n’étaient pas non plus conscients de la signification cosmique que revêtit ces
deux années. Il y a des raisons indubitables de croire que ce que fit Paul
durant cette période fut de l’étoffe des légendes ; ses réalisations
furent tellement impressionnantes aux yeux des fremen que les histoires qu’ils
racontèrent furent semblables à des légendes. Et pourquoi ne le serait-elles
pas ? Paul Atréides devint Muad’Dib, participa à la vision fremen du
monde, et la dépassa. Son magnétisme personnel réunit les guerriers de tous les
sietchs et créa les fedaykins. En 10193, il lança les fedayfins du désert dans
une attaque qui, d’un coup, détruisit à la fois la Maison Corrino et la Maison
Harkonnen. Comment un homme peut-il créer un tau parmi tous les sietchs
d’Arrakis et entraîner un groupe de guerriers dévoués à résister et à changer
non seulement leur propre planète, mais chaque monde connu dans l’Impérium et
au-delà ? Un tel homme devait être un génie militaire doté d’une capacité
à inspirer une dévotion fanatique à ses disciples, autrement, ce serait
sous-estimer son cas. Oui, Muad’Dib était tout cela. Mais il devait être
beaucoup plus. Il avait un tel charisme, ses actes étaient si grands, qu’il
réussit à convaincre tout un peuple, qui suivait « la voie de ses
pères », que la voie de Muad’Dib était ce chemin. Les femen étaient un
peuple superstitieux, mais ces superstitions étaient une force puissante de
conservatisme. Un homme ne pouvait pas simplement se promener dans un sietch
fremen et déclarer qu’il était l’accomplissement de leurs croyances. Les fremen
avaient besoin de preuves et la preuve merveilleuse de ce qu’il était. Ainsi,
le fait même que Muad’Dib fut en mesure de former les fedaykins et d’écraser
deux puissantes armées, fut une preuve convaincante pour les nombreuses
histoires qui existaient, concernant sa vie parmi les fremen. Les histoires
spécifiques peuvent, en effet, être fictives, mais la nature générale des
événements qui étaient décrits devaient être vraie. On considère que les
dernières années de Paul Muad’Dib, durant le second Jihad et la fondation du
gouvernement universel de la planète Arrakis, sont moins crédibles, par de
nombreux chercheurs, car elles faisaient constamment référence à sa prescience
et son acte final d’auto-exil après une tentative avortée sur sa vie par les
forces combinées de la Guilde Spatiale, la Maison Corrino et le Bene Gesserit.
Quant à la prescience de Muad’Dib, il y eu
peu de raisons de douter qu’il ait eu un tel pouvoir. Il faut rappeler qu’il
avait ingéré plus de mélange qu’aucun être vivant de son temps. Il fut démontré
que cette drogue avait un effet d’expansion de l’esprit, un de ces effets était
de favoriser la capacité de raisonner à travers une série de faits complexes
aboutissant à des prédictions précises d’événements futurs. La Guilde et le
Bene Gesserit avaient utilisé le mélange, précisément pour cette raison. En
effet, c’est le contrôle qu’avait Muad’Dib sur cette drogue essentielle qui
mena ces deux groupes à participer à la tentative d’assassinat. Compte tenu de
la place de Muad’Dib dans le programme génétique du Bene Gesserit et sa
formation de Mentat qu’il reçut par Thufir Hawat, il est impossible de conclure
que, sous l’influence du mélange, il fut incapable d’un tel pouvoir de
raisonnement et que ses visions de l’avenir étaient beaucoup plus grandes et
plus vives que ceux d’autres qui n’étaient que de pâles imitations. Cela ne
veut pas dire que l’avenir était une certaine chaîne fixe d’événements que
Muad’Dib était en mesure de prévoir. Cela suggère simplement qu’il était
capable de voir avec plus de clarté qu’un autre dans la chaîne compliquée des
événements qui avaient conduits à des événements futurs et qu’il a profité de
cette « vue ». Autrement dit, la prescience de Muad’Dib n’était pas
la vision de l’avenir normalement liée à elle, mais le pouvoir de voir comment
l’avenir fut créé.
Enfin,
concernant la mort ou la non-mort de Paul Muad’Dib, beaucoup a été et est
encore écrit. Il réussit à échapper à la mort dans l’explosion d’un
brûle-pierre, mais il perdit la vue à cause du flash de lumière qui s’en
dégagea. Immédiatement après la naissance de ses enfants jumeaux, Leto II et
Ghanima, et la mort de sa concubine fremen bien-aimée, Chani Liet-Kynes, Paul
Muad’Dib partit dans le désert ainsi que le voulait la coutume fremen. Les
aveugles étaient plus qu’un fardeau pour un sietch fremen ; ils étaient
considérés comme un anathème ; certains membres des sietchs ne voulaient
même pas l’eau qui aurait pu être récupérée à partir de leur cadavre.
Beaucoup d’historiens voient cet acte final
comme la naissance de la nature fictive de son histoire. Ils en déduisent que
s’il avait vraiment été un membre de la Maison des Atréides, il ne se serait
pas banni, il aurait simplement recouvré la vue en utilisant des yeux tleilaxu.
Encore une fois, ce raisonnement illustre comment ces érudits consacrent leur
détermination à prouver leur thèse en ignorant toute raison dans leurs
recherches de la soi-disant vérité. Paul Muad’Dib était fremen. Il ne pouvait
être autre chose que fremen en ayant créé les fedaykins. Mais il était fremen
non par la naissance mais par l’exemple. Il prit la vision des fremen à son
compte et la mena à son extrémité ultime et, à la fin, il accepta sa cécité
comme « la façon dont les choses sont ». S’il avait fait moins, il se
serait exposé à être accusé de « jouer » à être un fremen. Mais il
est douteux qu’il ait jamais joué à être quoi que se soit. Premièrement, les
fremen auraient détecté ses agissements et, deuxièmement, ce que l’on connait
réellement de sa vie n’aurait pas été si cohérent dans tant de sources
différentes. Muad’Dib prit la seule voie ouverte à un fremen.
Il y a une dernière question qui doit être
abordée sur la vie de Paul Atréides : le vieil homme qui apparut des
années après le départ de Muad’Dib dans le désert et que les gens pensait être
Paul. Il convient d’abord de souligner qu’Irulan et Leto II croyaient tous deux
que ce « prophète » était Muad’Dib, mais même s’il ne l’était pas, il
serait irresponsable de nier toutes les informations sur sa fabuleuse vie
simplement parce que, des années après sa mort, un fou prétendit être Muad’Dib.
En effet, au cours des milliers d’années qui suivirent sa mort, beaucoup de
fous se réclamèrent de cette identité. Comme il est indiqué précédemment, ces
réclamations étaient exactement celles qui avaient inspirée l’archevêque Spil
pour donner du crédit au rapport de Neja N’Nam-Krib. Toutes ces revendications,
cependant, témoignent simplement du pouvoir de la gloire durable de Muad’Dib.
Elles n’ont aucun rapport avec la véracité ou non de l’histoire.
Il est temps de mettre de côté la question de
Paul Atréides, Muad’Dib, le kwisatz haderach. Il y avait un tel homme, né de la
Maison des Atréides, qui avait un pouvoir remarquable, si remarquable que par
ses actes et ceux de son fils Leto II, l’histoire de tous les mondes à changée
à jamais. Cette conclusion découle des faits et du bon sens. La seule raison de
supposer différemment serait en remettant en question l’existence de Paul
Atréides et ses actes ; c’est ce que firent des centaines de chercheurs
universitaires qui publièrent d’innombrables articles et livres dans le but
d’avoir une promotion ou une titularisation.
Autres références :
-
Atréides, Duc Leto ;
-
Atréides, Dame Jessica Harkonnen ;
-
Kwisatz Haderach ;
-
Atréides, Chani
-
Parce que la littérature concernant Paul Atréides est si vaste,
le lecteur est renvoyé à la liste partielle contenue dans la bibliographie annexée
au présent volume.
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