mardi 27 octobre 2015

Atréides, Paul Muad’Dib



Atréides, Paul Muad’Dib
  Tenter de discuter de la vie de Paul Atréides, c’est confronter la question de fait à la fiction. Tandis que peu d’érudits osent suggérer qu’une telle personne ait jamais vécu, la plupart contestent l’exactitude des contes en prétendant énumérer ses réalisation. Il devint, en effet assez populaire parmi les nombreux historiens d’écrire de longs articles et même des livres qui « démystifiaient » les légendes et superstitions qui surgirent à son sujet. Fait intéressant, tous les récits se basèrent sur un seul rapport écrit en 11673 par l’important historien et anthropologue Neja N’Nam-Krib qui affirma que Paul Atréides ne pouvait pas être un fils de sang du Duc Leto Atréides et ne pouvait pas avoir accompli la plupart des grandes choses qui lui sont attribuées. Ce qui est continuellement oublié par les historiens, est que ce rapport fut rédigé par un mercenaire de l’archevêque Spil, dont la propre puissance était sur le déclin à cause des légendes associées à Paul. Ces légendes étaient une source constante de rébellion contre les propres tentatives de l’archevêque de contrôler les cœurs et les esprits de ses disciples et, par conséquent, il fut évident qu’il avait besoin d’un rapport prouvant que Paul Atréides n’était ni un Noble-né, ni un stratège-militaire plutôt doué.
  Mais ce point de vue va à l’encontre de toute explication logique, de ce que nous savons de cette ère quelques cinq mille cinq cents ans dans notre passé. Le deuxième jihad et le rôle des fremen, sont des faits historiques. La brève floraison de la planète désertique Arrakis est bien documentée. L’existence de Leto II Atréides, L’Empereur-Dieu de Dune, ne peut-être niée. Comment peut-on accepter l’existence de ces êtres sans accepter ce que l’on considère maintenant comme des légendes de Paul Muad’Dib ? Ainsi, cela sera le but de ce bref article pour juste illustrer dans quelle mesure et comment, de façon cohérente, ces légendes expliquent l’histoire des mondes en général et les événements qui se déroulèrent sur Arrakis, en particulier.
  D’abord, la naissance et la lignée de Paul Atréides, les histoires racontées par les fremen, confirmées par Leto II dans ses Mémoires sur cristaux riduliens et corroborées par les historiens de la Maison Corrino, Irulan Corrino-Atréides et Harq al-Ada, insistent sur le fait que Paul Atréides était le fils du Duc Leto Atréides (10140-10191) et de sa concubine, Dame Jessica Harkonnen (10154-10256). Les trois sources sont d’accord sur la date de naissance : 10175. Mais ces trois sources ne sont pas les seules raisons de croire que Paul était un Atréides. Les actions des fremen du sietch Tabr peuvent indiquer qu’il était un hors-monde et qu’on lui avait permis d’être éduqué comme un noble-né par la maison des Atréides.
  Selon la culture fremen, Stilgar, le naib du sietch Tabr, aurait dû mettre à mort Paul et Dame Jessica qui se retrouvèrent dans le désert après l’assassinat du Duc Leto. Ils étaient une menace pour le sietch de deux façons : d’abord, si on les laissait en vie, ils auraient pu conduire n’importe qui à proximité du sietch ; deuxièmement, comme hors-monde, ils n’étaient pas familiers des moyens de survie dans le désert, ils auraient donc dû survivre sur les ressources du sietch. Il y avait plus de raisons de les tuer que de les sauver : l’eau récupérée à partir de leurs cadavres pouvait augmenter les provisions du sietch.
  Beaucoup d’historiens croient que le fait que ni Paul ni Dame Jessica ne furent tués, est une confirmation qu’ils étaient tous deux  originaires du sietch Tabr. Ils déduisent qu’aucune autre explication ne pouvait justifier le comportement de Stilgar. Mais en optant pour cette simple explication, ces historiens brouillent à tout jamais les pistes des événements postérieurs. Si la lignée de Paul était celle d’un simple fremen, pourquoi les membres des autres sietch auraient-ils liés leur sort au sien ? Le développement culturel et politique des fremen en 10191 ne permettait pas une union soudaine de tous les sietchs, même contre un ennemi commun. Non, les fremen n’étaient pas assez bien organisés dans leurs sietchs, à ce moment-là, pour une, pour une telle action concertée. Et, plus important, le tau ou l’unité d’un sietch fremen, cette unité aurait été carrément impossible, compte-tenu de leur nature.
  Pour les fremen, se rallier sous la bannière d’un seul héros, exigeait que ce héros n’ait pas un tau étranger et ne soit pas associé à un seul sietch. Paul Muad’Dib, en tant que membre de sang des Atréides, remplissait parfaitement les conditions nécessaires. Considérez que, comme fils du Duc Leto, Paul avait été formé par les meilleurs guerriers de l’époque : Duncan Idaho et Gurney Halleck. Son tuteur avait été le mentat zensunni Thufir Hawat, un homme qui, étant donné que les fremen étaient issus de la même caste zensunni, avait une position unique pour donner au jeune Paul la tournure d’esprit qui cadrerait bien avec la pensée et la croyance fremen.
  Il faut garder à l’esprit que Paul était le résultat du programme génétique des Bene Gesserit pour lequel des rapports des plus précis existent encore maintenant. Dame Jessica trahit ce programme en ayant Paul, au lieu d’une fille. En d’autres termes, Paul Atréides était le résultat d’un programme qui durait depuis des milliers d’années, un être qui devait incarner tous les pouvoirs du Bene Gesserit et au-delà. Que Paul Atréides fut littéralement le kwisatz haderach ou non est bien sûr discutable. Cependant, il l’était clairement, pour ceux qui voulaient voir en lui l’essence même du guerrier ultime, le chef (appartenant à la Maison des Atréides) et le maître-politicien (appartenant à la Maison des Harkonnen). Un tel homme pouvait rallier les fremen et conduire le second jihad. Aucun autre homme n’aurait pu le faire parce que les fremen n’auraient, tout simplement, pas suivit.
  Enfin, même si les rapports concernant le programme génétique n’avaient pas existé (on pourrait dire qu’ils étaient inventés), on a des raisons de croire que Dame Jessica était la mère naturelle de Paul. Il est évident qu’à partir des événements entourant Paul Muad’Dib, on peut en conclure qu’il maitrisait les pouvoirs de la Voix et savait pratiquer la Litanie contre la peur. Où pouvait-il avoir obtenu une telle formation autrement qu’avec un adepte du Bene Gesserit ? Pourquoi un membre de la communauté des sœurs aurait-elle donné au garçon cette formation approfondie, s’il n’avait pas été son propre fils ?
  Pour conclure cette section de l’article, on peut raisonnablement accepter que Paul fût un Atréides né. Aucune autre théorie ne peut être cohérente et expliquer les faits connus que firent les fremen, et la rébellion d’Arrakis qui mena au second jihad.
  Quelles furent les actions de Paul Atréides dans les années 10191-10193 ? Il est vrai que nous en savons très peu sur lui au cours de cette période, mais il serait insensé de conclure que ce manque d’information prouve que Paul était plus une légende qu’un homme. Alors que de nombreux historiens spécialisés dans l’histoire ancienne et les mythes, sont prompts à souligner que ces lacunes écartent une partie des modèles mythiques, ce qui évite de les passer sous silence, ils sont coupables de se précipiter sur des conclusions simplistes faisant de la vie de Paul à cette époque, un parallèle avec les mythes. Cela signifie-t-il que chaque fois que la fiction imite avec succès la réalité, cette réalité doit être considérée comme une fiction ? Une telle déclaration est, bien sûr, absurde.
  Il est difficile de voir qu’il existait des raisonscompréhensibles à cet écart. Paul, comme fremen, était traqué par les Harkonnen et par le Padishah Shaddam IV (10134-10202). Bien que tous pensaient que Paul et Dame Jessica étaient morts, il n’y avait aucune preuve tangible et cela donna toutes les raisons à Paul pour cacher son existence. Pourquoi les fremen auraient-ils voulu garder des rapports sur la vie de Paul ? Ce n’était pas un peuple axé sur l’écriture (l’histoire écrite), mais en plus, ils n’étaient pas non plus conscients de la signification cosmique que revêtit ces deux années. Il y a des raisons indubitables de croire que ce que fit Paul durant cette période fut de l’étoffe des légendes ; ses réalisations furent tellement impressionnantes aux yeux des fremen que les histoires qu’ils racontèrent furent semblables à des légendes. Et pourquoi ne le serait-elles pas ? Paul Atréides devint Muad’Dib, participa à la vision fremen du monde, et la dépassa. Son magnétisme personnel réunit les guerriers de tous les sietchs et créa les fedaykins. En 10193, il lança les fedayfins du désert dans une attaque qui, d’un coup, détruisit à la fois la Maison Corrino et la Maison Harkonnen. Comment un homme peut-il créer un tau parmi tous les sietchs d’Arrakis et entraîner un groupe de guerriers dévoués à résister et à changer non seulement leur propre planète, mais chaque monde connu dans l’Impérium et au-delà ? Un tel homme devait être un génie militaire doté d’une capacité à inspirer une dévotion fanatique à ses disciples, autrement, ce serait sous-estimer son cas. Oui, Muad’Dib était tout cela. Mais il devait être beaucoup plus. Il avait un tel charisme, ses actes étaient si grands, qu’il réussit à convaincre tout un peuple, qui suivait « la voie de ses pères », que la voie de Muad’Dib était ce chemin. Les femen étaient un peuple superstitieux, mais ces superstitions étaient une force puissante de conservatisme. Un homme ne pouvait pas simplement se promener dans un sietch fremen et déclarer qu’il était l’accomplissement de leurs croyances. Les fremen avaient besoin de preuves et la preuve merveilleuse de ce qu’il était. Ainsi, le fait même que Muad’Dib fut en mesure de former les fedaykins et d’écraser deux puissantes armées, fut une preuve convaincante pour les nombreuses histoires qui existaient, concernant sa vie parmi les fremen. Les histoires spécifiques peuvent, en effet, être fictives, mais la nature générale des événements qui étaient décrits devaient être vraie. On considère que les dernières années de Paul Muad’Dib, durant le second Jihad et la fondation du gouvernement universel de la planète Arrakis, sont moins crédibles, par de nombreux chercheurs, car elles faisaient constamment référence à sa prescience et son acte final d’auto-exil après une tentative avortée sur sa vie par les forces combinées de la Guilde Spatiale, la Maison Corrino et le Bene Gesserit.
  Quant à la prescience de Muad’Dib, il y eu peu de raisons de douter qu’il ait eu un tel pouvoir. Il faut rappeler qu’il avait ingéré plus de mélange qu’aucun être vivant de son temps. Il fut démontré que cette drogue avait un effet d’expansion de l’esprit, un de ces effets était de favoriser la capacité de raisonner à travers une série de faits complexes aboutissant à des prédictions précises d’événements futurs. La Guilde et le Bene Gesserit avaient utilisé le mélange, précisément pour cette raison. En effet, c’est le contrôle qu’avait Muad’Dib sur cette drogue essentielle qui mena ces deux groupes à participer à la tentative d’assassinat. Compte tenu de la place de Muad’Dib dans le programme génétique du Bene Gesserit et sa formation de Mentat qu’il reçut par Thufir Hawat, il est impossible de conclure que, sous l’influence du mélange, il fut incapable d’un tel pouvoir de raisonnement et que ses visions de l’avenir étaient beaucoup plus grandes et plus vives que ceux d’autres qui n’étaient que de pâles imitations. Cela ne veut pas dire que l’avenir était une certaine chaîne fixe d’événements que Muad’Dib était en mesure de prévoir. Cela suggère simplement qu’il était capable de voir avec plus de clarté qu’un autre dans la chaîne compliquée des événements qui avaient conduits à des événements futurs et qu’il a profité de cette « vue ». Autrement dit, la prescience de Muad’Dib n’était pas la vision de l’avenir normalement liée à elle, mais le pouvoir de voir comment l’avenir fut créé.
  Enfin, concernant la mort ou la non-mort de Paul Muad’Dib, beaucoup a été et est encore écrit. Il réussit à échapper à la mort dans l’explosion d’un brûle-pierre, mais il perdit la vue à cause du flash de lumière qui s’en dégagea. Immédiatement après la naissance de ses enfants jumeaux, Leto II et Ghanima, et la mort de sa concubine fremen bien-aimée, Chani Liet-Kynes, Paul Muad’Dib partit dans le désert ainsi que le voulait la coutume fremen. Les aveugles étaient plus qu’un fardeau pour un sietch fremen ; ils étaient considérés comme un anathème ; certains membres des sietchs ne voulaient même pas l’eau qui aurait pu être récupérée à partir de leur cadavre.
  Beaucoup d’historiens voient cet acte final comme la naissance de la nature fictive de son histoire. Ils en déduisent que s’il avait vraiment été un membre de la Maison des Atréides, il ne se serait pas banni, il aurait simplement recouvré la vue en utilisant des yeux tleilaxu. Encore une fois, ce raisonnement illustre comment ces érudits consacrent leur détermination à prouver leur thèse en ignorant toute raison dans leurs recherches de la soi-disant vérité. Paul Muad’Dib était fremen. Il ne pouvait être autre chose que fremen en ayant créé les fedaykins. Mais il était fremen non par la naissance mais par l’exemple. Il prit la vision des fremen à son compte et la mena à son extrémité ultime et, à la fin, il accepta sa cécité comme « la façon dont les choses sont ». S’il avait fait moins, il se serait exposé à être accusé de « jouer » à être un fremen. Mais il est douteux qu’il ait jamais joué à être quoi que se soit. Premièrement, les fremen auraient détecté ses agissements et, deuxièmement, ce que l’on connait réellement de sa vie n’aurait pas été si cohérent dans tant de sources différentes. Muad’Dib prit la seule voie ouverte à un fremen.
  Il y a une dernière question qui doit être abordée sur la vie de Paul Atréides : le vieil homme qui apparut des années après le départ de Muad’Dib dans le désert et que les gens pensait être Paul. Il convient d’abord de souligner qu’Irulan et Leto II croyaient tous deux que ce « prophète » était Muad’Dib, mais même s’il ne l’était pas, il serait irresponsable de nier toutes les informations sur sa fabuleuse vie simplement parce que, des années après sa mort, un fou prétendit être Muad’Dib. En effet, au cours des milliers d’années qui suivirent sa mort, beaucoup de fous se réclamèrent de cette identité. Comme il est indiqué précédemment, ces réclamations étaient exactement celles qui avaient inspirée l’archevêque Spil pour donner du crédit au rapport de Neja N’Nam-Krib. Toutes ces revendications, cependant, témoignent simplement du pouvoir de la gloire durable de Muad’Dib. Elles n’ont aucun rapport avec la véracité ou non de l’histoire.
  Il est temps de mettre de côté la question de Paul Atréides, Muad’Dib, le kwisatz haderach. Il y avait un tel homme, né de la Maison des Atréides, qui avait un pouvoir remarquable, si remarquable que par ses actes et ceux de son fils Leto II, l’histoire de tous les mondes à changée à jamais. Cette conclusion découle des faits et du bon sens. La seule raison de supposer différemment serait en remettant en question l’existence de Paul Atréides et ses actes ; c’est ce que firent des centaines de chercheurs universitaires qui publièrent d’innombrables articles et livres dans le but d’avoir une promotion ou une titularisation.

Autres références :
-          Atréides, Duc Leto ;
-          Atréides, Dame Jessica Harkonnen ;
-          Kwisatz Haderach ;
-          Atréides, Chani
-          Parce que la littérature concernant Paul Atréides est si vaste, le lecteur est renvoyé à la liste partielle contenue dans la bibliographie annexée au présent volume.

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