jeudi 22 octobre 2015

Atréides, Moneo ibn Fuad al-Lichna (13606-13724)



Atréides, Moneo ibn Fuad al-Lichna (13606-13724)
     Né de Lichna Ibn Fuad al-Kala Atréides et de son compagnon, Jesen Carrand ; cet
homme remarquable qui finalement devint le dernier majordome au service de Leto II,
l'Empereur-Dieu. À bien des égards, Moneo fut le plus habile administrateur de tous ceux qui avaient rempli cette fonction dans les trente-cinq siècles du règne de Leto, ainsi que l'un de ceux qui vécut le plus vieux. (Il servit l'Empereur-Dieu durant quatre-vingt-neuf ans, dont soixante-dix en tant que majordome.)
     Avant son entrée au service royal Moneo avaient utilisé ses formidables talents d'organisateur et de planificateur pour une cause tout à fait différente : de 13626 à 13634, il dirigea un groupe très efficace de rebelles dont le but était de défaire l'Empereur-Dieu de son trône. C’est grâce aux compétences de Moneo que la rébellion parvint à quelques petits succès contre Leto II, le prescient.
     Moneo avait été formé dans la logique et le pragmatisme par des maîtres - comme Atréides, héritier en titre, sinon en chair de Leto II lui-même, qui ne lésina en rien pour son éducation -  et avait choisi sa position par rapport à l'Empereur-Dieu avec beaucoup de soin. Leto, ainsi qu’il raisonnait, était une monstruosité; un regard sur le corps pré-vermiforme le prouvait. L'humanité, quels que soient ses défauts, méritait mieux que la loi tyrannique d'un monstre. Leto devait, alors, être éliminé.
     Mais Moneo n’était pas un usurpateur. Le génie de son régime reposait sur le fait que pas une fois il n’avait suggéré que lui ou un autre mortel pourrait prendre la place de la Divinité Impériale. Au lieu de cela, il expliquait  à qui voulait l'entendre que débarrasser l'humanité de son dirigeant despotique reviendrait à la plonger dans l'anarchie et le chaos. Il insistait sur le fait qu’à partir de ce maelström, émergerait une nouvelle race qui aurait le contrôle de son propre destin.
     Lichna fut perturbée par l'hérésie de son fils aîné et en discuta souvent avec l'empereur-Dieu. Il lui assura, à son tour, que Moneo faisait montre de traits de caractère qui feraient de lui plus tard un administrateur compétent et que son seul devoir envers le garçon était de lui faire voir les conséquences possibles de ses actes. (Il souligna également qu'il ne considérerait pas  Moneo comme son remplaçant possible s’il n'avait pas eut ce genre d'initiative ; l’absence totale d'intérêt de Leto  pour ses deux enfants plus jeunes, plus dociles acheva de convaincre Lichna que l'Empereur-Dieu lui disait la vérité).
     Il y a beaucoup de preuves dans les Mémoires pour soutenir l'idée que Leto trouva dans les activités de jeunes rebelles de Moneo une source de divertissement véritable. Il existe des références à plusieurs des exploits de Moneo durant ses années rebelles : par exemple, l’Empereur-Dieu fut particulièrement intéressé du succès de Moneo qui réussit à pervertit un groupe de vingt-cinq truitesses de la garnison d’Onn en 13631. Aucun autre rebelle - et Leto avait regardé des centaines d'entre eux au cours de son règne – n’avaient réussi à convaincre tant de guerrières / prêtresses à la fois d’abandonner, même momentanément, leurs croyances.
     Lorsque le commandement des truitesses eut vent de traitresses dans leurs rangs, plusieurs chefs furent surprises et plus inquiètes que leur Maître. Leurs sœurs égarées n’eurent pas l’option habituelle de rejoindre une escouade de commandos de la mort pour expier leur péché. Au lieu de cela, elles furent exécutées en secret, dans une chambre privée sous l'une des écoles de truitesses. Heureusement pour Moneo, jamais personne dans le secret ne laissa entendre que la force motrice derrière les truitesses avait été corrompue. Le jeune rebelle attribua son évasion à la bonne fortune, mais les Mémoires indiquent sans aucun doute que le Monarque avait brouillé les pistes menant à celui qui voulait le déposer, Monéo.
     En 13635 Leto décida finalement que le moment était venu de freiner l’Atréides dans son errance. Il y avait de nombreuses raisons à son action, mais deux pesèrent plus lourdement. Tout d'abord, il y avait la question de Lichna. Administrateur actuel de Leto, qui n’était plus très jeune et qui était prête à se retirer au moment où Moneo serait prêt à la remplacer. La deuxième raison était propre à l’action la plus récente de Moneo : il avait réussi à corrompre plusieurs personnes clés de la Guilde, en utilisant les pots-de-vin et le chantage, chargées des satellites météorologiques qui devaient garder le Sareer dans son état aride.
     Moneo n’avait rien fait pour tenter de modifier les opérations des satellites, et Leto ne pouvait rien voir dans sa vision prémonitoire indiquant si Monéo serait capable de le faire. Conscient de la leçon qu’infligea son père au Bene Gesserit – qu’il était tout à fait possible que le résultat final d’un programme génétique se matérialise de façon inattendue – Leto pensa qu’il valait mieux tenir Moneo en dehors du champ d’application de la prescience. Malgré son mépris, Moneo avait conservé assez de ses informations pour être certain de ce qui l'attendait quand Leto le convoquerait à sa citadelle après avoir découvert la corruption des techniciens de la Guilde.
     Il devait être mis à l'essai, pour être sensibilisé au Sentier d’Or de l'empereur-Dieu, ou mourir si nécessaire. Et le test, comme Lichna l’avait mis en garde de façon répétée, serait  adapté à sa personne de manière exquise. Aucune préparation n’aurait pu l’aider à échapper au jugement.
     Effrayé, mais toujours aussi impétueux, Maneo fut introduit auprès de l’Empereur-Dieu par un trio de truitesses silencieuses et terriblement impressionnantes. Leto renvoya les gardiennes et s’adressa à Moneo : il connaissait, affirma Leto, chaque acte de la rébellion de Moneo ; il avait regardé Moneo perdre huit ans dans des activités absolument dénuées de sens; et maintenant la mascarade n’était plus divertissante.
     Les remarques de l'Empereur-Dieu avaient précisément eu l'effet qu'il désirait. Moneo répondit par une tirade bien à lui, accablant Leto pour avoir corrompu les vies et les esprits de génération et de génération d'humains sans s’être jamais soucié de leur humanité. Leto le laissa tempêter ainsi jusqu’à l’épuisement, puis il répliqua, furieux, avec une seule question.
     « Comment oses-tu être offensé par moi? » demanda-t-il, scrutant Moneo des profondeurs de son capuchon. Avant que le jeune homme ne puisse protester, Leto glissa hors du chariot Royal et le guida dans un labyrinthe souterrain caché sous la Citadelle et l’abandonna en son centre avec d'un sac de nourriture et un flacon d’essence d’épice. Pendant plus d'une journée, Moneo erra dans le labyrinthe tortueux, ne mangeant qu’avec parcimonie ses maigres provisions et se perdant encore plus profondément à chaque heure qui passait.
     Les multiples ironies entourant le flacon d’essence d'épices le tourmentaient, monopolisant
ses pensées autrement stériles. C’était le seul liquide qui lui avait été fourni, et il serait sûrement amené à le consommer à moins qu'il ne puisse trouver rapidement un moyen de sortir du labyrinthe. Cette perspective, il le savait, allait le confronter avec certitude à la « multitude interne » qu’abritaient, disait-on, les Atréides, et qui l'effrayait beaucoup plus que l'idée qu'il pourrait mourir de soif. Et pourtant, parmi cette foule terrifiante, n’y avait-il pas une probabilité de trouver un serviteur précédent du Seigneur Leto dont les mémoires incluraient le plan pour s’échapper du labyrinthe ?
     Après douze heures de plus, Moneo s’enfonçait encore plus profondément dans la confusion, il fini par réaliser qu’il n’avait pas le choix.
Il avala le contenu du flacon avec tout l'enthousiasme d'un homme buvant de la ciguë, puis il s’assit, le dos dans un coin, pour attendre ses effets.
     Ils ne tardèrent pas à venir. Le mélange ouvrit la conscience de Moneo, non seulement aux
ses voix ancestrales, mais aux scènes prescientes de la mort et de destruction dont Leto - et son père - avaient été témoins il y avait bien longtemps. Elles lui montrèrent la fin de l'humanité ainsi que les moyens par lesquels cette fin pourrait être évitée : la voie dorée que l'Empereur-Dieu avait choisi. Ils lui montrèrent la raison de la monstruosité qu'il avait combattu, plus clairement qu'il ne l'aurait souhaité.
     Après une période hors du temps, lorsque les effets de l'épice se dissipèrent, Moneo se retrouva avec deux certitudes. La première était la voie d'évacuation qu'il devait suivre pour remonter à la chambre du Seigneur Leto. La seconde était qu'il obéirait à l'Empereur-Dieu fidèlement pour le reste de sa vie, ne serait-ce que par gratitude que ce soit Leto et non lui qui ait du faire le choix qu’il avait vu.
     Les dix-neuf années suivantes, Moneo fut formé pour prendre en charge le poste administratif de sa mère. Il reçut des dossiers de plus en plus importants à traiter pour Leto : par exemple maintenir un journal des lointaines garnisons de truitesses, et jouer le rôle d’intermédiaire de Leto avec les Tleilaxu. Lorsque Lichna démissionna en 13654, Moneo la remplaça sans que la Cour ressente la moindre vague.
     Moneo tirait une grande fierté de son travail, il considérait son rôle de majordome comme étant le meilleur et le plus appropriée de ses talents – et la liste de ses réalisations fut impressionnante, même par rapport à celles de ses prédécesseurs extrêmement compétents.
En 13659, il découvrit un stock massif de mélange sur Kaitain, la planète que la Maison Corrino avait utilisé pour sa Cour du temps des Empereurs Padishah ; c’était le plus grand stock trouvé à ce jour et les agents de Moneo n’avaient découvert son emplacement exact que quelques jours seulement avant que des représentants du Bene Gesserit et de la Guilde Spatiale n’arrivent dans le même but. Il s’assura qu’une rébellion en 13664 sur Shandor (troisième planète de Theta Shaowei) soit réduite avec le minimum d’effusion de sang, s’opposant fermement à la majorité du commandement des truitesses qui voulait un massacre pour faire un exemple pour tous les prétendants hérétiques.
     Sans ces actions remarquables, il aurait quand même été considéré à sa juste valeur par l'Empereur Dieu pour la façon impeccable dont il assurait le bon fonctionnement de la Cour. Aucun détail n’était trop petit pour être traité, aucun arrangement trop mineur pour le négliger, si cela avait éveillé l'intérêt du Seigneur Leto. Aucun pot-de-vin n’était assez grand pour lui faire oublier ses fonctions; son incorruptibilité lui gagna une admiration, même parmi ceux qui auraient eu meilleur intérêt à le corrompre.
     Moneo ne souhaitait que trois choses en retour de son travail : jouir de la confiance de son Maître, être autorisé à s'abstenir de toute nouvelle expérience avec le mélange, et préserver une vie de calme avec Rhiani, une ancienne truitesse avec qui il vivait depuis son entrée au service royal. Jusqu'à 13667, les trois lui furent donnés.
     C’est cette année-là que Leto l’informa qu'il était nécessaire au programme de reproduction d’ L’Empereur-Dieu. Moneo connaissait l’existence du programme depuis son enfance, bien sûr - tous les Atréides, et une grande partie de la population en général, savait que Leto travaillait à une sorte de changement sur la souche génétique humaine - mais Moneo avait espéré que, après tant d'années d'infécondité avec Rhiani, il serait dispensé d’y participer.
     L'exemption n’avait pas lieu être, et Moneo fut tenu de quitter sa Rhiani, un adieu émouvant après Leto lui ordonna de se marier avec Seyefa, une truitesse qui avait de nombreuses années de moins que lui. Il fut très près de rompre avec l’Empereur-Dieu, comme au temps de ses jours de rébellion ; mais les liens qui s’étaient établis entre eux, depuis si longtemps, étaient trop forts pour permettre cette rupture, et Moneo accepta une alliance précaire qui progressivement évolua vers un mariage.
     Siona Ibn Fuad al-Seyefa Atréides, le seul enfant de Moneo, naquit en 13698. Elle vécut avec ses parents dans les quartiers proches de la Citadelle de Leto jusqu'à l'âge de dix ans, où elle fut envoyée à l'école des truitesses d’Onn. Peu de temps après cette séparation, Moneo du faire face à une autre perte ; Seyefa mourut l'année suivante.
     S’il avait été un serviteur consciencieux avant, Moneo devint fanatique dans sa dévotion à Leto. Toute personne qui menaçait l'Empereur-Dieu, le menaçait personnellement - même, quand Siona atteignit l’adolescence.
     Leto fut souvent amusé par la colère et la sollicitude de Moneo envers sa fille. L'ancien rebelle semblait être incapable de voir sa propre jeunesse dans la sienne; il vit sa rébellion non pas comme une phase temporaire et nécessaire, mais comme un changement permanent et dangereux. Bien que l'Empereur-Dieu reconnut la valeur de Siona (pour des raisons tout à fait différentes de celles Moneo) il admettait l'inutilité de tenter de l'orienter dans chacun de ses  mouvements. Moneo n’était pas toujours de cet avis et avait besoin qu’on le lui rappelle.
     En 13724, Moneo entra en conflit avec sa fille, pour la dernière fois. Lors d'un séjour au village de Tuono pour le mariage du Seigneur Leto avec Hwi Noree, Moneo ils tombèrent dans une embuscade organisée par Siona, Nayla, et Duncan Idaho. Au début de l'attaque, Moneo perdit pied sur le pont de la Route Royale lors de l’effondrement et mourut, suivit par  Hwi Noree et le Seigneur Leto. En l'espace de quelques minutes, la vie pour l'ensemble de l’Imperium bascula de façon irréversible.
     Leto avait déjà observé que Moneo était terrifié par l'idée d'un monde sans Empereur-Dieu - qu'il aurait préféré mourir plutôt que d'affronter l'une telle existence. De tous les choix qu’on avait faits pour lui durant sa vie, le moment de sa mort fut pour le majordome l’un des meilleurs.

Autres références :
-          Atréides, Leto II ;
-          Atréides, Siona Ibn Fuad al-Seyefa ;
-          Leto II, Mémoires, Rakis Réf. Cat. 65-A392.

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