jeudi 24 mars 2016

Fremen, Les coutumes de l’eau



Fremen, Les coutumes de l’eau
  Les rites mystiques complexes avec lesquels les Fremen entouraient presque chaque  contact avec l'eau, étaient beaucoup plus compréhensibles si l'on tient compte de l'environnement qui les avait inspirées : la surface rude, recouverte de sable, d’Arrakis, peut-être le monde le plus inhospitalier jamais colonisé par l'homme. L'eau, ce qui rendait la vie possible, était considérée  comme étant le transmetteur de cette vie. C'était quelque chose de s'être battu pour conserver ce bien précieux — et aux yeux des Fremen, descendants des Vagabonds Zensunni et façonnés par les épreuves que ces paria mystiques avaient enduré, cette eau  était sacrée au-delà de toute chose.
  Chaque cérémonie impliquant de l'eau était supervisée, sinon dirigée, par une Sayyadina (prêtresse Fremen) initiée dans les rites et formée dans leur pratique. Une femme du groupe, avec la plus grande connaissance de cette question, pouvait être autorisée temporairement à officier.

Naissance
  La première exposition de tous les Fremen aux coutumes de l'eau avait lieu quelques minutes après qu'il ou elle soit né. Le liquide amniotique entourant le nouveau-né était récupéré et distillé à la suite de l'expulsion de l'enfant de l'utérus. Cette eau servait ensuite à alimenter l'enfant, par sa marraine (généralement l'une des meilleures amies de la mère), en présence d'une Sayyadina ; cette alimentation était la première du bébé, elle était donné avant même que la mère ait allaité l’enfant.
  En même temps que le bébé buvait, il était du devoir de la marraine à dire : « Voici l'eau de ta conception ». De cette façon, l'enfant était  considéré comme ayant un lien à ses parents, le lien de l'eau, ainsi il était  attaché, par extension, au reste de la tribu. Cette unité était très importante pour les Fremen : elle  était, en fait, le fondement de l'ensemble de leur structure sociale.
  L’origine précise du rituel de « l’eau de la conception » n’est pas connue. On pense toutefois, que c’est l'un des plus anciens rituels Fremen, remontant à leur emplacement d'origine sur Arrakis, au huitième millénaire. Face à un environnement impitoyable et la nécessité absolue pour chaque tribu de  travailler comme un seul organisme pour survivre, les Fremen sans aucun doute comprenaient ce rite comme un moyen de souligner cette unité depuis le début de la vie d'un individu.

Rituels quotidiens
  Dans un sietch Fremen, les premiers travailleurs qui enfilaient leurs distilles et bravaient la journée étaient les ramasseurs de rosée. Dès que la lumière de l'aube pouvait être vue, les cueilleurs se précipitaient à l'extérieur avec leurs faux pour moissonner la rosée, ils glanaient l'humidité disponible des quelques plantes qui poussaient près du sietch. Lorsque la collecte était fini et l'eau précieuse stockée en toute sécurité dans les manches scellées des faucheurs, ils confiaient la rosée récoltée de la matinée à une Sayyadina afin qu'elle – ou elles – puissent la bénir. L'eau était ensuite portée dans bassin commun de la tribu.
  Peu de temps après que les ramasseurs de rosée aient achevé leur travail, le chef de chaque ménage dans le sietch venait chercher son allocation quotidienne, pour sa famille, dans les magasins généraux. Les allocations étaient maigres (par exemple, moins d'un litre par jour pour une famille de dix), mais suffisante, compte tenu de la capacité des Fremen à recycler leur eau dans leurs distilles et leurs abris-distilles. Les Sayyadina distribuaient l'eau et donnaient  également leur bénédiction pour son utilisation, à ceux qui la consommait, et des prières de remerciement étaient offertes à Shai-Hulud pour leur fournir les moyens de survivre un autre jour.
  Dernière action d'une famille avant de se retirer pour la nuit était de partager entre ses membres l’eau produite par leurs chambres de remise en état (de petites chambres attenantes à leurs quartiers où les déchets corporels étaient recyclés et leur eau récupérée). C’était considéré comme un signe de malchance de garder de l’eau libre, sauf si elle était stockée dans l'un des bassins d'évaporation du sietch ; comme chacun le savait, le meilleur endroit pour garder l'eau d'une famille était dans les corps des membres de cette famille.
  Quand l’eau était consommée, le chef de famille scandait : « Maintenant nous consommons ce qui sera un jour être rendu ... la chair d'un homme lui appartient, mais son eau appartient à la tribu ».
  Comme le rituel de « l'eau de la conception », ce rappel tous les soirs servait à souligner l’image de l'individu en tant que partie de l'ensemble de la tribu.

Anneaux d’eau
  Ces mesures métalliques représentaient le volume d'eau libéré par un corps traité dans un distille de mort. Ils étaient fabriqués en coupures allant de cinquante litres jusqu'à 1/32éme de drachme (un drachme équivalait à 1/200éme litre), et  servaient à donner une indication de la précision des dispositifs Fremen de mesure de l'eau, et de l'importance accordée même aux plus infimes quantités de cette précieuse substance.
  Les mesures d'eau libérées par les organes des Fremen qui étaient morts de mort naturelle ou par celles d’étrangers trouvés dans le bled, étaient considérées comme une eau-cadeau de Shai-Hulud, elles étaient reléguées aux soins du Naib du sietch et considérées comme appartenant à la communauté. L’eau récoltée sur les ennemis tués au combat de groupe était traitée de manière similaire.
  Seuls les anneaux d’eau qui représentaient l'eau d’un individu tué dans un combat personnel étaient donnés à un individu particulier de la tribu : ils – et la possession de l'eau qu'ils mesuraient – étaient la propriété du vainqueur du combat. C’était la rémunération du gagnant, pour l'eau perdue pendant le combat, car il était nécessaire que les combattants qui se faisaient face combattent sans distille. (L'eau était stockée dans le bassin tribal du sietch, bien sûr, mais son propriétaire était autorisé à y puiser au besoin, ou à la donner aux membres les plus nécessiteux de la tribu).
  Les anneaux possédaient une grande importance sociale au-delà de leur représentation de l’eau. Dans les fiançailles Fremen, le marié devait présenter ses anneaux d’eau à sa fiancée ; elle les disposait alors sur des fils fins pour être portés soit comme boucle d'oreille ou (plus souvent) comme ornements de cheveux. Une partie de la cérémonie de mariage impliquait, pour le marié, de mettre les ornements nouvellement façonnés sur la mariée.
  Cette utilisation des mesures d'eau permettait  de régler beaucoup l'interaction entre les sexes. Un wali, ou un jeune adulte – qui ne s’était jamais confronté à un autre homme en  combat moral – ne pouvaient pas se marier. Ainsi, les seuls hommes dans le sietch qui pouvaient enfanter étaient ceux qui avaient déjà démontré leur capacité de survie. Len lâches, les faibles, et autres indésirables n’auraient jamais l'occasion de faire partie du  pool génique ; c’était une assurance supplémentaire, que les enfants nés hors mariage serfaient abondonnés dans le désert, un sacrifice à Shai-Hulud.
  En outre, l'exigence que pouvait avoir un homme qui possédait des anneaux d'eau avant son mariage, était qu’il pouvait prétendre entretenir un ménage polygame, autorisé pour les mâles Fremen. Il n'était pas autorisé, par exemple, pour les hommes de partager leurs mesures d’eau entre deux ou plusieurs femmes, de sorte que les mariages multiples n’étaient pas courants. Si un homme voulait prendre une autre femme, il devait attendre d’accumuler suffisamment d'anneaux ; et tout Fremen soupçonné de provoquer des défis uniquement dans ce but était considéré comme ridicule et était la risée de sa tribu.
  Il convient de noter, également, que les femmes Fremen qui tuaient un ennemi (un ennemi extérieur, invariablement, étant donné que les femmes pouvaient participer au rituel de contestation officielle uniquement via un champion) ne recevaient pas l'eau du combat ou ses anneaux d’eau. Au lieu de cela, l’eau du combat et les anneaux d’eau du défunt étaient remis à la Révérende Mère de la tribu et étaient censés conférer « une bénédiction spéciale de Shai-Hulud sur leur donneur ».
  Après la mort de leur propriétaire, les anneaux d'eau retournaient à la citerne tribale, ou, s’ils étaient portés par une femme, restaient avec elle jusqu'à sa mort.

Rites funéraires
  Il n’y avait aucun monument commémoratif ou cérémonie commémorative organisés pour les hors Freyn tué par les Fremen ; leur eau était tout simplement récupérée et les restes secs jetés.
  Pour leur propre mort, cependant, les Fremen croyaient qu'il était nécessaire de procéder à un service commémoratif formel afin que l'ombre laissée par le défunt puisse reposer en paix et ne faire aucun mal à la tribu. La cérémonie avait toujours lieu au début du coucher du soleil le soir de la mort, après que le corps soit passé dans le distille de mort sous la supervision d'une Sayyadina.
  Tous les membres du sietch se réunissaient autour d'un monticule constitué des biens de la femme ou de l'homme mort et du sac de l'eau contenant le fluide libéré par le distille de mort. Le naib parlait en premier, pour rappeler aux autres que la lune se lève pour leur camarade perdu et invoquait  l'esprit de la nuit. Il se déclarait alors être  un ami du défunt, décrivait un moment où il avait été personnellement aidé ou enseigné par la personne décédée (dans une si petite communauté, étroitement liée, de telles occasions étaient communes), puis il prenait un élément du monticule.
  Puis le naib poursuivait en prenant certains éléments qu’il réclamait pour la famille du défunt, et il revendiquait le krys pour le rendre au désert comme les restes du défunt. Les autres membres de la tribu se manifestaient alors, chacun déclarait son amitié et la raison de cette amitié, prenait un objet, et retournait à sa place. Quand rien ne restait du monticule, sauf le sac d'eau, une Sayyadina s’avançait pour vérifier la mesure et remettre les anneaux d'eau à la personne appropriée.
  La tribu scandait alors une prière engageant  l'esprit de leur camarade à rejoindre Shai-Hulud afin de renouveler son propre destin  ce Dieu. Les Maîtres d’eau du sietch prenaient en charge le sac après la prière et, avec toute la tribu pour témoins, ils libéraient  l'eau dans le bassin commun, ainsi se terminait le rituel.

La discipline de l’eau
  Pour les Fremen, l'eau était également considérée comme le lien ultime entre les individus et s’ils appartenaient à la même tribu. Par exemple, une personne d'un sietch qui avait sauvé la vie d'un membre d'un autre sietch avait une dette d’eau non seulement envers la personne, mais aussi à sa tribu. Une telle dette à un autre a été considéré comme un lourd fardeau, et a été payé et annulé-aussi rapidement que possible.
  L'eau du mort, si elle était partagée avec un autre, créait également un lien indissoluble avec le groupe de celui-ci. Une fois le partage terminé, les deux groupes ne se considéraient plus comme distincts ; ils fusionnaient en une seule grande organisation, car l'eau, une fois mélangée, était impossible de diviser.
  L'eau d'une personne vivante – fournissait, si elle était en bonne condition physique, non seulement du sang, mais aussi de l'eau, transportée dans un jolitre ou dans les poches de récupération du distille – pouvait créér un lien indissoluble. Si un étranger, ou même un ennemi, pouvaient forcer ou convaincre un membre d'une tribu Fremen à boire de son sang, il devenait Wadquiyas avec la tribu : joint à eux comme un des leurs, et sûr d'avoir une prise sur cette eau, à moins qu'il n’offense la tribu (C’est pour cette raison, d'ailleurs, qu’aucun Fremen ne se serait laissé mordre par un ennemi dans un combat, même si cela signifiait une victoire certaine).
  Les promesses de loyauté à une seule personne, comme celle de chaque membre d'une tribu à son naib, se faisaient également au nom de l'eau – dans ce cas, à l'eau de l'individu. La promesse d'une tribu à son chef ne prenait fin, comme l’acceptation des droits du nouveau chef, que lorsque le service funèbre du naib morts s’achevait et son eau libérée.

L’Eau de vie
  Aucun rituel dans les histoires Fremen n’était aussi étroitement tenu secret et il y a donc peu de document, que celui de l'Eau de Vie. Tout ce que l'on tient pour certain est que, dans de rares occasions, un groupe restreint de bateliers (des Fremen consacrés et qui étaient chargés des fonctions rituelles concernant l'eau), allaient dans le désert, capturaient un petit ver des sables, et revenaient avec lui par un souterrain dans une chambre spéciale remplie avec de l'eau du bassin tribal. Les bateliers, après avoir été béni par la Révérende Mère de la tribu, traînaient le ver dans l'eau et le noyait.
  Leur chef était debout dans l’eau, près de la bouche du ver, attendant que la créature commence à recacher ses exhalaisons mortelles. Quand ce moment arrivait, il donnait le signale à ses homme de tenir le front du ver hors de l’eau pour qu’il puisse récupérer cette exhalaison, le liquide était récupéré dans un sac d’eau spécial ; ce liquide était l’Eau de Vie.
  Dans sa forme brute, ce poison « d’illumination » était mortel. Lorsqu’il était  modifié dans le corps d'une Révérende Mère, cependant, il devenait  sans danger pour la consommation par les non-initiés, et était utilisé par les Fremen pour leurs orgies de sietch (elles provoquaient une sensibilisation accrue des pensées et des émotions qui servaient à unir encore plus étroitement les membres de la tribu entre eux). Une seule goutte du poison altéré était suffisante et servait de catalyseur pour modifier de grandes quantités de liquide.
  Le processus de modification (altération) était le même que celui subit par les Révérendes Mères du Bene Gesserit lors de leur initiation, avec le mélange. La conscience de l'individu s’intériorisée, son sens du temps était ralenti, et elle était ainsi en mesure de percevoir la structure moléculaire du poison ; et grâce à cette perception, elle pouvait changer le poison pour le rendre inoffensif.
  Parfois, dans le cas d'une Sayyadina qui tentait d'obtenir le statut de Révérende Mère, cette perception n’était pas suffisamment rapide ou forte, et le poison restait inchangé. Dans un tel cas, le corps de la candidate était incinéré – le seul cas où la crémation était  utilisée – et l'Eau de Vie inchangée était  soigneusement gardée jusqu'à ce qu'une  nouvelle candidate puisse être trouvée. Mettre le corps dans un distille de mort  alors qu'il contenait le poison inchangé pouvait être fatal à toute la tribu, et le laisser dans le désert pouvait avoir des conséquences encore plus graves ; on savait que l’Eau de Vie pouvait devenir l’Eau de Mort si on la mettait en contact avec une masse d’épice.
  Le résultat de cette transformation pouvait provoquer la mort de l'ensemble de l'écosystème du désert.

Autres coutumes
  Comme plus d'informations concernant les Fremen, furent disponibles, il devient clair que de nombreuses coutumes autres que celles décrites ci-dessus étaient en usage au cours de la période où les tribus nomades étaient, en vérité, les dirigeants du désert Arrakeen. Certaines sont détaillées dans le livre de Jarret Oslo, Fremen : Vies et légendes, et peuvent être plus approfondies. Une en particulier, qui est un exemple frappant de la détermination des priorités, et mérite d’être mentionnée ici. Il a longtemps les chercheurs avaient  accepté l’idée que les Fremen donnaient à l'eau une d'importance suprême et que son acquisition et sa conservation étaient des priorités suprêmes  tant pour l’individu que pour la tribu. L’eau non potable, n’était jamais jugée perdue ; même l'eau de ceux qu’ils donnaient  à Shai-Hulud était considérée comme utile, puisqu’elle était utilisée par les fremen pour apaiser leur dieu.
  Toutefois, un document trouvé au milieu du Magot de Rakis (et cité par Oslo, p. 152)
décrit une exception à cette règle :

« … l’eau d’un être possédé par des démons ne doit pas être touché, ni par l'homme, ni par la bête ... nul ne pourra dire qu'elle  appartenait à un ami, ou offrir des prières pour la libération de son esprit ; à cause du démon qui habitait à l'intérieur et elle est à jamais corrompue ... »
Il faut qu’elle soit emmenée dans le désert dans la chaleur de la journée et versée dans un contenant pour qu’elle s’évapore. Laissez un garde à côté afin qu'aucune créature ne puisse la boire. Et que son démon brûle dans la fureur d'al-Lat pour toute l'éternité.

  En plus de fourniture un contraste intéressant entre le corps des fremen et la coutume de l’eau, ce rite pour les possédés nous offres aussi des réponses possibles à d'autres questions. Il contribue à expliquer, par exemple, l'immense culpabilité que les Fremen étaient réputés ressentir après un procès pour  possession, car en ne libérant pas l'esprit de l'eau, ils condamnaient un ancien camarade à des tourments éternels.
  Il suggère également que le sort possible des restes d’Alia Atréides, qui –  contrairement aux autres membres de sa famille – ne sont pas gardés dans un lieu de repos. On cherche actuellement un soutien supplémentaire à cette hypothèse. C.W.         
                      
Autres références :
-          Jarret Oslo, Fremen : vies et légendes (Salusa Secundus : Morgan et Sharak) ;
-          HARQ al-Ada, L'histoire de Liet Kynes, Lib. Conf. Temp. Série 109.

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