Missionaria
Protectiva, La
La fonction générale du Bene Gesserit était de répandre des « mots
clés » dans tout l’univers connu, de sorte que les communautés, ainsi
conditionnées puissent venir en aide et prendre en charge un étranger qui
prononçait le « mot secret ».
Le programme d’élevage Bene Gesserit fut mis en place pour traverser un
nombre de génération sans précédent. Réalisant qu’un accident ou deux pouvaient
retarder leurs efforts de façon drastique, des répétitions étaient
indispensables : il fallait de nombreux descendants, de nombreuses
lignées, pour avoir de nombreuses combinaisons possibles. Le plus grand
investissement des ressources Bene Gesserit fut injecté dans le programme de
répétition, et la Missionaria Protectiva était une sauvegarde de deuxième rang,
dans les profondeurs du plan grandiose.
La plupart des agents de la Missionaria Protectiva étaient des
stagiaires « hors circuit », des femmes dont les gènes ou le
dynamisme ne leur permettaient pas de pouvoir prétendre à un statut au sein de
l’organisation. Le corps de la Missionaria Protectiva était généralement une
impasse organisationnelle ; cependant, les dossiers suggèrent que bon
nombre de missionnaires étaient des modeleuses, des « créatrices ».
L’extravagance opérationnelle éventuelle de la Missionaria Protectiva
était éblouissante. Concevoir et installer des systèmes de mots de passe
complexes à travers différentes cultures, la mise en place de tests pour
vérifier que le mot de passe ne puisse pas être utilisé à mauvais escient, et
combiner les deux systèmes de sorte que les cultures puissent les utiliser sans
entraver la complexité des opérations. La culture Bach avait eu besoin d’un
ensemble de différents mots de passe et de séquence tests. Certaines cultures
avaient seulement besoin de manipulations mineures, d’une mythologie compatible
avec leur culture, mais les sociétés les plus éloignées de la
« civilisation » devaient être complètement reprogrammées. Les
légendes avec tous les accessoires qui les accompagnaient, les chansons, les
rumeurs et les comptines avaient du être inventées et insérées dans les
cultures primitives. Ces inventions devaient s’imbriquer dans les croyances
existantes, mais aussi adoucir la peur reflexe des cultures envers les
étrangers, de sorte qu’un mystérieux intrus, avec des pouvoirs surnaturels,
serait le bienvenu au lieu d’être rejeté et tué. L’éducation primaire, le
tissage des schémas, le courage des agents infiltrés qui permettait des
transmissions fiables dans des systèmes planétaires étranges, étaient tous
renversants par leur ampleur. La Missionaria Protectiva devait aussi établi un
réseau « d’informations libres » dans le Bene Gesserit pour que les
stagiaires et les adeptes sachent ce qu’elles pouvaient attendre si elles
étaient menacées dans un endroit éloigné. L’insertion de litanies appropriées
dans la mémoire adab était simplement un rappel des conditions, ceci est un
exemple d’une telle formation.
La Missionaria Protectiva recherchait et utilisait des points de pivot
culturels de deux façons. Tout d’abord, elle faisait dépendre l’approche du point principal avec
un mystérieux bienfaiteur. Ainsi, le bienfaiteur signifiait une meilleure
chance de succès et la civilisation devait reconnaître et enrôler l’agent
plutôt que la mépriser et se défier d’elle. En deuxième lieu, la Missionaria
Protectiva introduisait un autre étranger de l’autre côté du point de pivot
principal. Cette « sauveuse » ou « rédemptrice »
symbolisait le succès lui-même. La crise de transition dans les légendes de
toute culture pouvait être construite ou modifiée par la Missionaria Protectiva
pour ouvrir la voie à une adepte Bene Gesserit qui apportait des techniques mystérieuses pour aider à
atteindre le succès et pour qu’un grand leader indique l’imminence du succès.
Il y avait beaucoup de variations dans les méthodes d’exploitation de la
Missionaria Protectiva. Une fois que le système de valeurs de la culture cible
avait été évalué, l’ensemble du tissu ou des histoires étaient conçu pour se
combiner avec ces valeurs, les agents
missionnaires s’infiltraient alors comme des artistes. En apprenant les
légendes, les chansons, les rythmes, les pratiques rituelles et les phases de
la planète, elles fournissaient le divertissement qui semblait être « du
cru». Les agents pouvaient adopter presque toutes les identités. Comme
journalistes, artisans itinérants ou photographes, elles pouvaient
« vendre » leurs marchandises sous n’importe quelle forme. Elles
essayaient d’atteindre une grande popularité, de telle sorte que tout ce
qu’elles proposaient était facilement accepté. Une autre méthode consistait à
rejoindre le système éducatif et à modifier progressivement les programmes
d’étude. L’ensemble des manuels sur les techniques pour ajuster les structures
et les croyances d’une culture remplissaient des volumes entiers. Certaines
modeleuses se fondaient dans la société en répandant des blagues obscènes ou en
mettant des inscriptions sur les murs publics. D’autres écrivaient,
composaient, peignaient et gardaient une voie classique sans l’aide de la
manipulation des programmes d’étude. Lors de foires, festivals, dans les musées
à la mode, les publications périodiques des torchons et les volumes reliés, par
l’intermédiaire de voies interplanétaires et de disque digitaux personnels,
elles propageaient le travail de chaque
agent à travers une civilisation. Pendant ce temps, d’autres missionnaires
analysaient, inscrivaient et disséminaient ailleurs, dans toute la galaxie.
Le travail de la Missionaria Protectiva était ensuite d’implanter des signaux de
reconnaissance dans une culture. Une voyageuse Bene Gesserit serait remarquée, testée, et si ses capacités
étaient reconnues après l’épreuve, elle était épargnée. Les légendes étaient
conçues de telle sorte que le risque qu’elle soit maltraitée et la récompense
pour son aide soient suffisamment élevés pour encourager le traitement désintéressé
de tous les étrangers, ainsi se faisait la préservation des gènes qui
pourraient être importants dans le programme de sélection du Kwisatz Haderach. Sous la couche de mots
de passe et de tests, la Missionaria Protectiva tissait une anticipation fine mais
résistante d'une figure de Messie, un individu dont la venue marqueraient le
début du triomphe final de la culture, l'accomplissement de ses ultimes
espoirs.
L’implication
de Dune
Les légendes fremen montraient plusieurs signes d’un ajustement de la
Missionaria Protectiva du Bene Gesserit. Par exemple, les fremen attendaient un
« mahdi ». Le schéma général de la transition vers le succès avait
été implanté bien avant leur arrivée sur Arrakis. Cependant, Arrakis était un
endroit très spécial, la source de l’épice qui était devenue d’une importance
cruciale pour le Bene Gesserit. Leurs Révérendes Mères en avaient besoin et
leurs Diseuses de Vérité semblaient aussi l’utiliser. Ainsi, la source de
l’épice recevait une attention particulière de tous les organismes Bene
Gesserit. La Missionaria Protectiva fournissait un parapluie de protection non
seulement pour tous les adeptes Bene Gesserit, qui pouvaient être un petit
morceau du puzzle génétique, mais également aux initiés perfectionnés. Dune
était aussi une connexion dans le plan Bene Gesserit et méritait des soins
particuliers de la part des planificateurs de la Missionaria Protectiva.
La Missionaria Protectiva avait établi la Shari’a fremen (des rituels superstitieux) longtemps avant
que les tribus ne migrent su Arrakis. L’ilm et le fiqh (les aspects de la
religion zensunni), les fondements de leur culture, avaient inclus des
suggestions latentes d’un Mahdi depuis des millénaires. Les fremen savaient
qu’un jour un « douzième Imam » émergerait de sa cachette (ou
« renaîtrait) pour unir le peuple, la communauté de tous les croyants et
les mèneraient, contre les « infidèles » à la réalisation de la
communauté dans un idéal politico-religieux, « l’Umma », la
« fraternité des prophètes ». Ainsi, les fremen se vengeraient de
leurs persécutions et réaliseraient leur paradis riche en eau. Ce modèle
mettait en parallèle le lien de transition tracé par la Missionaria Protectiva
pour préparer la venue du kwisatz haderach quelque part dans la galaxie. A
l’époque, quand elle avait renforcé cette séquence dans la panoplie des
croyances fremen/zensunni, la Missionaria Protectiva ne pouvait pas prévoir que
le « Messie » ou les zensunni seraient physiquement présents sur
Arrakis.
La principale préoccupation de la communauté sur Dune était la relation
entre l’endroit – pas la culture – et l’intermédiaire Bene Gesserit – pas
seulement le programme d’élevage – dont elles avaient besoin. Le visiteur sur
la planète de l’épice pouvait être une sœur extrêmement importante, peut-être
même une Révérende Mère, alors que la planète – qui avait peu d’attention pour la civilisation de ceux qui l’habitait –
était prête pour la « mystérieuse étrangère ». Cette étrangère
pouvait apparaître sous la forme d’une sorcière, un représentant aux sombres
pouvoirs, mais elle apportait une faveur aux indigènes s’ils la sauvaient et un
grand péril s’ils la maltraitaient. De la manière dont la rumeur avait été
implantée, ce pouvait même être la Grande Mère dont la progéniture serait le
« Messie » / « le sauveur » / le kwisatz haderach. Il est
facile d’imaginer ce que devint ce composé instable de légendes et la place
spécifique de la prophétie lorsqu’ils se mêlèrent aux anticipations du mahdi,
amenées sur Arrakis par les fremen/zensunni opprimés. Les indices implantés
pour signaler l’arrivée d’un « sauveur » étaient semblables partout. Le Livre de Dune en est la
preuve, « l’apparence du messie est simple ». La Missionaria
Protectiva avait implanté un couloir d’indicateur pour servir de signal. Il
devait être « un enfant qui pensait et qui parlait comme un adulte »,
avec « des yeux quêteur » et un air de « franche réserve »,
et « il connaitrait les coutumes fremen comme s’il était né avec
elles ». Dans une société qui avait d’importants espoirs et où l’inconfort
était accepté parce que la douleur d’aujourd’hui permettrait d’accélérer la
réalisation des espoirs de demain, un aperçu des signes du succès à venir était
ardemment souhaité.
En d’autres termes, plus la civilisation était
désespérée, plus il était facile d’établir un modèle des signaux que la
population devait saisir. La diffusion des indices, par la Missionaria
Protectiva, qui pouvaient signaler la venue d’un kwisatz haderach était tombée
sur le sol fertile de la culture fremen, résignée et persécutée, mais pleine
d’espoir. Ainsi, l’acceptation de Paul Atréides par les fremen fut facilitée de
manière significative par les prophéties latentes implantées par la Missionaria
Protectiva.
Beaucoup plus important, fut la mise en place du système pour garantir
l’acceptation d’une « Grande Mère ». Les risques, des deux côtés,
étaient élevés. La « candidate », la mystérieuse femme qui devait
amener des techniques utiles, devait être testée. Si elle échouait au test,
elle méritait le sort réservé à tout étranger menaçant, l’expulsion
sacrificielle. Si ceux qui faisaient le test ne le faisait pas correctement,
ils pouvaient, soit discréditer un étranger méritant, soit accepter celui qui aurait
du être sacrifié. Par conséquent, deux cas devaient être examinés. Il devait
donc y avoir plus d’un test avec des séquences partant de réponses simples et
allant vers des défis plus difficiles. La séquence devait se dérouler
« naturellement » ; il ne devait y avoir aucun soupçon de
conspiration ou d’aide à la candidate. La Missionaria Protectiva modifia les
implantations des légendes afin que les tests puissent être transmis aux
initiées Bene Gesserit. Les réponses balisées faisaient partie de la formation
des candidates. Pour Arrakis, la Missionaria Protectiva mit en place des défis
« prophétisés » si difficiles que seule une Révérende Mère
potentielle aurait eu la formation adéquate pour répondre à chacun d’eux. La
récitation de la Prière du Salat
pouvait permettre à une Bene Gesserit de jouer le rôle de
« l’auliya » ou « servante de dieu » ; elle permettait
de préparer les fremen à l’accepter comme candidate pour leur version d’une
« Révérende Mère ». Il est à noter qu’un test « adab »
était enraciné dans l’inconscient lors de la formation avancée Bene Gesserit,
et qu’à la fin de la séquence se trouvait le mot de passe se la Missionaria
Protectiva.
Les fremen avaient adapté la légende sur le fait que la femme devait
être accompagnée par quelqu’un qui serait venu sur Arrakis avec elle, un
défenseur. Cette implantation n’était pas une implantation de la Missionaria
Protectiva ; cette dernière n’aurait jamais confié la survie d’un
contingent Bene Gesserit à un compagnon de sexe masculin. Cette exigence fremen
était une mutation, un produit du mélange du patrimoine zensunni, des
prophéties de la Missionaria Protectiva sur un kwisatz haderach et des
superstitions spéciales de la planète de l’épice.
Ensuite, le Bene Gesserit dû se confronter au défi final : l’ajout
fremen de la transformation de l’Eau de Vie. C’était vraiment le défi d’une
Révérende Mère. Une néophyte Bene Gesserit, ou même certaines adeptes,
n’auraient pas été en mesure de réaliser cette transformation pour obtenir le
catalyseur par le biais d’une voie homéostatique. Seule une personne possédant
les gènes appropriés et également une formation spécialisée pouvait changer le
poison en élixir. Cette exigence n’avait pas été introduite par la Missionaria
Protectiva dans la culture fremen. Le but de la Missionaria Protectiva était la
survie du Bene Gesserit menacé, pas une grande visibilité ni le pouvoir pour la
survivante.
Paul Atréides avait raison quand il écrivit que la Missionaria
Protectiva « leur avait acheté un refuge dans le désert ». Elles
avaient, en effet, organisé comme elles le pouvaient, de quoi préserver tout
adepte Bene Gesserit qui aurait trébuché dans un environnement hostile. Elles
avaient intensifié la mythologie sur Arrakis, de sorte que même une Révérende
Mère aurait été susceptible d’être reconnue comme une « sorcière »,
profondément menaçante.
Par rapport à l’objectif initial, la Missionaria Protectiva contribua de
façon mineure à la saga enregistrée dans l’histoire Arrakeen. Elle était sensée
être la seconde ligne de défense, derrière les arrangements de soutien
génétique, contre les accidents qui auraient pu perturber le programme
d’élevage. Par ailleurs, elle avait aidé à préparer la galaxie à l’arrivée
éventuelle d’un kwisatz haderach. Afin de se garder des accidents, la Missionaria
Protectiva aida, sans le vouloir, à produire une importante et très improbable,
coïncidence. Elle mêla les légendes zensunni avec la préparation de l’arrivée
d’un kwisatz haderach, renforçant ainsi les anciennes attentes du mahdi. Elle
prépara Arrakis à accueillir une Révérende Mère. Cependant, elle n’avait pas
dépisté les multiples secteurs de renforcement, en particulier l’harmonie
zensunni sur une Arrakis forgée par de fanatiques fremen. Les missionnaires ne
comprirent pas que la combinaison de l’espoir écologique et du désespoir
historique convergeaient dans les fremen, ce qui rendait les liens de leurs
prophéties si instables et irrésistiblement auto-réalisateurs. E.I.
Autres références :
- Bene Gesserit, Archives du ;
- Bene Gesserit, La Maison du Chapitre ;
- Bene Gesserit, Le gouvernement ;
- Bene Gesserit, L’histoire du ;
- Bene Gesserit, La bibliothèque sur Wallach IX ;
- Bene Gesserit, Les rangs du ;
- Bene Gesserit, La formation du ;
- Princesse Irulan Atréides, ed. Le livre de Dune, Arrakis Kef. Chat. 7-Z331.
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