Idaho, Duncan
(10208)
Dans la connexion qui s’était créée lors de la mort de Chani, l’échec du
Bene Tleilax fut de vouloir convertir Chani et Paul en gholas, et la naissance
de Leto II et de Ghanima, le ghola Hayt était devenu un nouveau Duncan Idaho
(10208-10231). Transformé par la crise initiée par le nain Bijaz, ce nouvel
être était la fusion torturée de la mémoire vitale du premier Duncan et de la
formation zensunni et mentat de Hayt. Le « nouveau » Duncan Idaho
était distinct de ses deux prédécesseurs, et comme époux d’Alia-du-couteau, il
était l’ennemi apparent de Jessica Atréides et l’allié de Paul (le Prêcheur),
revenu d’entre les morts, il mérite donc une attention particulière.
L’agonie du mariage de Duncan Idaho avec Alia, fut l’une des tragédies
personnelles les plus profondes jamais infligées à la dynastie des Atréides.
L’union était fondée sur une affection véritable, une forte attirance physique
et un chagrin partagé pour Paul Atréides apparemment mort. Elle se termina dans
l’horreur et l’Abomination. Si Duncan-10208 n’avait pas eu la sensibilité d’un
poète et d’un mentat, il aurait pu survivre comme l’imbécile cocu, continuer à
croire à la joie du début de son existence et au confort qui avait marqué le
début de son mariage. Cependant, comme Leto II et Hhanima l’avaient soupçonné,
Duncan ne pouvait pas ignorer l’adultère d’Alia, particulièrement après que le
Prêcheur l’ait annoncé publiquement. Ce nouveau Duncan était trop clairvoyant
pour feindre l’ignorance plus longtemps. Sa loyauté envers les Atréides était pratiquement
un trait génétique, ce qui lui fit suspendre les jugements négatifs au sujet
d’Alia, ses yeux tleilaxu lui avaient révélé sa vraie nature. Comme le Prêcheur
l’avait plusieurs fois fait observer, et Farad’n Corrino lui avait fait écho,
la loyauté ne peut être acheté que par la loyauté et Alia, possédée par le
Baron, n’en avait pas, même pas pour elle-même, et beaucoup moins pour Duncan.
Duncan se méfia immédiatement de l’intérêt que porta Alia à Javid. Alors
que la personnalité Harkonnen en Alia tentait d’étouffer la conscience menta de
Duncan en lui accordant de nombreuses indulgences charnelles, Duncan devenait
jaloux. Il s’agissait d’une jalousie tempérée par la prise de conscience du
mentat, mais la douleur resta. Ce que le vieux Baron avait prédit était
l’indifférence qui adviendrait, en réalité, ce qui advint fut une dureté
glacée. Les émotions du nouveau Duncan, acquises en grande partie du Duncan
original, avaient toujours été malmenées par les liaisons d’Alia et,
contrairement à la croyance populaire, ses yeux tleilaxu n’étaient pas
immunisés contre les larmes. Alia poursuivit sa liaison avec Duncan à cause de
ses capacités de mentat, particulièrement importantes à la lumière du fait que
son accès à ses vies antérieures était défectueux ; et pendant la majeure
partie de la vie de Duncan-10208, elle ignora qu’il pouvait voir son pathétique
état psychique. Pour Duncan, elle était une chair morte, une vision tellement
répugnante qu’il ne pouvait la regarder sans détourner les yeux, elle était une
coquille vide, une maison de fantômes.
Pourtant, malgré sa sagesse et sa vision, Duncan ne cessa jamais d’aimer
l’Alia qu’il avait connu, et pendant une courte période, il contesta la vérité
et maintint un « mythe-Alia » dans sa conscience. Ainsi, il fut
frappé d’apprendre, alors qu’il était prisonnier sur Salusa Secundus, qu’Alia
s’était offerte comme épouse à Farad’n Corrino, si bien que Duncan râce à ses
pouvoirs de mentat, il avait exercé un contrôle de ses muscles et s’était
sectionné l’artère du poignet droit sur ses liens de shigavrille.
Cette tentative infructueuse de suicide avait provoqué le mépris
injustifié de Dame Jessica. Elle croyait que cet acte provenait d’un sentiment
d’autodestruction inné de Duncan, elle ne s’était pas rendu compte que ses
vraies motivations fussent dictées par les actions d’Alia et par le fardeau
insupportable qu’était devenue sa fidélité envers sa bien-aimée Maison
Atréides. Comme beaucoup, elle laissa son souvenir de l’ancien Duncan Idaho
obscurcir sa vision du nouveau. Ses qualités hybrides mettaient Jessica mal à
l’aise : ce Duncan était en dissonance avec ce qu’elle pensait qu’il
devait être. Une partie de ceci pouvait être excusée tout comme Duncan était
immunisé contre la « voix » Bene Gesserit, il pouvait également,
partiellement, se cacher des perceptions de la Sororité, un avantage qui resta
secret jusqu’à l’avènement du Duncan-13724.
Farad’n Corrino, écrivant sous le nom d’Harq al-Ada dans La Catastrophe de Dune, parle de
Duncan Idaho :
« Il y avait
un sens de la durée au sujet d’Idaho, le sentiment qu’il ne pouvait pas s’user.
Il donnait l’impression d’être un monolithe, un tout organisé et bien intégré.
Les cuves tleilaxu avaient créées quelque chose de plus qu’un homme en
mouvement, il y avait un mouvement d’auto-renouvèlement de l’homme, comme s’il
agissait selon des lois immuables commençant sur chaque fin. Il se déplaçait
sur une orbite fixe avec une résistance à son niveau comme celle d’une planète
autour d’une étoile. Il répondait à la pression sans se casser – simplement en
se déplaçant sur son orbite, légèrement, mais sans vraiment changer quoi que ce
soit de la base. Les Atréides étant l’étoile de son orbite ».
Bien que Farad’n ait prédit les gholas-Duncan en continu au service de
l’Empereur-Dieu Leto II, et bien que lui et Jessica aient justement vu que le
premier Duncan n’était en rien différent dans ses actions, ils n’avaient pas pu
voir l’indépendance de décisions que Duncan-10208 prendrait rapidement en vue
de servir les Atréides.
Le
rejet de l’Abomination par Duncan-10208 et, plus tard, sa manipulation de
Jessica, marqua la résolution de son problème le plus important et les preuves
solides qui montraient son développement personnel. Pour le premier Duncan, la
Maison des Atréides avait toujours été un organisme unique, et il était
singulièrement lié à elle dans le plaisir et la douleur. Pour Hayt éveillé,
Duncan-10208, la Maison Atréides fut divisée par la possession d’Alia. Les
stimuli visibles et évidents qui avaient longtemps fait partie de sa loyauté
fanatique disparurent. Bien que le Prêcheur emploie par la suite une de ces
fameuses clés – le signe secret par lequel Paul Atréides avait l’habitude de
convoquer son Maître d’arme – il le fit trop tard. L’ordre vint d’un autre
Atréides, Alia commanda à Duncan d’assassiner Dame Jessica, mais le Prêcheur
proposa à Duncan d’offrir Jessica comme « un joyau sans prix » à la
Maison Corrino, dans le cadre d’un accord où, en contrepartie, il devait
interpréter les rêves de Farad’n Corrino. A ce moment-là, Duncan vit la ruine
de la Maison Atréides, il avait déjà décidé de désobéir à Alia. Ici, les
anciennes valeurs Atréides et l’évidente franchise et honnêteté du premier
Duncan furent mises en évidence comme étant ses seules pierres angulaires.
Duncan resta une constante pour Paul et Jessica, tout comme le lien des
autres gholas pour l’Empereur-Dieu, mais – et la différence est cruciale – ce
fut une constante par décision plutôt que par foi. Il avait cessé de suivre et
d’adorer ; il avait commencé à agir et à penser. Plus que cela, son
habileté mentale lui permit d’éviter un matricide : il inventa un faux
danger contre la Maison Corrino pour Alia ; isolée sur Salusa Secundus,
Jessica était à la fois à l’abri des menaces d’Alia et l’empêchait de révéler
qu’Alia était une Abomination. L’amour de Duncan pour Alia l’empêchait de la
tuer, même s’il soupçonnait déjà sa part de responsabilité dans la tentative
des Corrino d’assassiner Leto et Ghanima ; avec le recul cela montre qu’il
avait eu tort de l’épargner.
Duncan continua d’obéir à la fois à Jessica et à Paul, mais il se fia à
son propre jugement pour renverser Alia, il savait qu’il ne pourrait plus
supporter les excès et la brutalité de la Régence d’Alia ; ainsi, l’offre
du Prêcheur de s’allier au Zarr Sadus provoqua le refus des rebelles fremen de
se soumettre à la Qizara Tafwid d’Alia. Avant cela, Duncan avait habilement
trompé Alia et les espions de Farad’n en faisant semblant de demander à être
libéré formellement du service des Atréides. Ce mensonge agit si bien que même
les perceptions Bene Gesserit de Jessica ne le détectèrent pas. Il renforça son
apparente désaffection en disant qu’il
allait demander à Farad’n de renvoyer Jessica sur Wallach IX. La raison
qu’il invoqua était que le Bene Gesserit avait des pouvoirs profonds et obscurs
qu’il ne fallait pas prendre à la légère – il indiquait ainsi qu’il connaissait
les plans de Jessica pour mettre l’héritier Corrino sur le trône.
Plus tard, Jessica soupçonna l’attention réelle de Duncan, mais elle
restait incertaine. Son inquiétude était partagée par Ghanima qui doutait de « cette chair de ghola », et par
Alia qui était stupéfaite par le refus de Duncan de tuer Jessica. A ce moment,
Alia percevait n’importe quelle fidélité aux Atréides comme une menace, en
particulier celle de Duncan ; elle avait déjà cessé de penser à elle-même
comme une Atréides. Duncan se rendait compte du rejet d’Alia. Cet empressement
lui permit d’éviter la mort des mains d’une
des amazones d’Alia, Zia, et lui permit d’aider Ghanima et Stilgar à fuir le
sietch Tabr.
Peu de temps après son arrivée en 10231, ses capacités lui permirent de
reconnaître le danger pour chacun, en particulier pour Ghanima, et lui permit
de neutraliser Stilgar. Après avoir échoué à convaincre Stilgar de sortir, avec
sa troupe, de sa neutralité, il orchestra délibérément la crise qui força Javid
à le tuer et à violer le caractère sacré d’un lieu neutre qu’avait
soigneusement établi Stilgar. De plus il provoqua le naib furieux en l’accusant
de porter un collier, une des insultes fremen les plus violentes, puis il
accepta passivement sa mort du couteau de Stilgar. Ainsi, devant les cadavres
du mari et de l’amant d’Alia, les fremen furent contraints de fuir la colère
d’Alia, et Stilgar fut obligé de réaliser qu’il était le seul espoir de
Ghanima. Dans un intermède doux-amer, au moment de la mort et de la trahison,
Alia découvrit le vieil anneau d’argent et de platine de Duncan, un cadeau de
son père, et dans un de ses derniers gestes humains, elle pleura tandis que le
Vladimir Harkonnen, en elle, réagissait avec incrédulité : « Qui
pleure ? Qui pleure ? »
Ainsi, Duncan-10208 servit les intérêts Atréides, même lorsque la
famille subissait une division interne. Comme Duncan-13724, il soutint les buts
Atréides avec une liberté distincte de la fidélité entière du premier Duncan et
de bon nombre des gholas-Duncan qui survinrent dans l’intervalle. En provoquant
volontairement sa mort, il renonçait à la longévité induite par le mélange et
par l’ensemble de ses compétences et de son potentiel. Il mourut seul parmi les
fremen dont les superstitions faisaient qu’ils le considéraient comme une
« chose », mais il tomba comme un homme, une personne, et non comme
un serviteur. R.S.
Autres références :
-
Duncan
Idaho ;
-
Atréides,
Dame Jessica ;
-
Atréides,
Alia ;
-
Harq
al-Ada, La Catastrophe de Dune,
TR. Miigal Reed (Jérémy ; Lothar) ;
-
Princesse
Irulan Atréides-Corrino, Conversations
avec Muad’Dib, Lib, CONF. Temp série 346 ;
-
Duncan
Idaho-10208, La chronique de Hayt,
trad. Kershel, préfet de Shautin (enfin ; Mosaic) ;
-
Quizara
Tafwid, Les piliers de la sagesse,
trad. Allad Noval (Salusa Secundus : Morgan et Sharak) ;
-
Alia
Atréides, Commentaires du « Le Ghola
parle » TR. Kershel, préfet de Shautin (enfin : mosaïque).
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